Organopónico, la star de l’agriculture urbaine à Cuba

L’agriculture urbaine à Cuba est composée d’ « organopónicos » et de « huertos intensivos » (jardins intensifs). Les organopónicos, de « organo », se réfère au vivant, et « ponos », le travail[1], désignent un mode de culture hors-sol sur un substrat enrichi en matière organique. Les « huertos intensivos » quant à eux, sont cultivés en pleine terre donc plus rares en zone urbaine. Organopónicos et huertos intensivos sont cultivés en agriculture généralement biologique intensive (haute production sur petite surface), c’est-à-dire sur des planches de culture avec des méthodes qui permettent d’optimiser les espaces et les rendements. Il s’agit de jardins relativement petits (de 1000 m² à 5000 m²) sauf exceptions à la périphérie des villes (nous avons visité des jardins de 4 ha et 10 ha !). Ce sont des jardins aux planches de culture bien dessinées, bien entretenues, présentant une diversité de légumes, de fleurs et de couleurs qui rendent l’endroit très agréable. Ce sont de petits îlots de verdure et de biodiversité dans la ville.

Laissez-nous vous expliquer les grandes lignes de leur fonctionnement !

 

Aperçu d’un organopónico à Sancti Spiritus

 

Un mouvement impulsé par l’Etat

Dès le début de la Période Spéciale en 1990, l’Etat, à travers le MINAG (Ministère de l’Agriculture) invite tous les citoyens qui le souhaitent à investir tous les espaces libres des villes[2]. Beaucoup se mettent alors à déblayer des chantiers abandonnés, terrains vagues… pour les rendre productifs. La situation critique de famine dans les villes cubaines, associée au mouvement lancé par l’Etat, fait naître de nombreux jardins urbains à travers le pays.

L’institutionnalisation de l’agriculture urbaine se fait progressivement, avec la création en 1994 du Groupe National d’Organopónicos convertit en 1997 en Groupe National d’Agriculture Urbaine, toujours en fonction aujourd’hui, rattaché au ministère de l’agriculture[3]. Le Groupe National d’Agriculture Urbaine (souvent simplement nommé « Agricultura Urbana ») est hiérarchisé et divisé en unités d’échelles différentes, jusqu’à l’échelle communale, représentée dans chaque ville par une Unidad Empresarial de Base – Unité Entrepreneuriale de Base (UEB ou « Granja Urbana »). Cette UEB rassemble tous les jardins d’une ville et leur facilite le matériel, la matière organique, les semences…

 

Des conseils dictés par l’Etat

Au fur et à mesure du développement de l’agriculture urbaine, l’institution fournit aux jardiniers des équipements divers : des mailles noires formant les semi-protégés ce qui permet de limiter les rayonnements solaires au niveau des végétaux, des micro-asperseurs pour l’irrigation, des bacs cimentés pour délimiter les « canteros » (plates-bandes), etc.

De plus, l’institution met en place des grandes lignes directrices permettant aux jardiniers sans expérience agricole de lancer une production selon les principes de l’agriculture biologique (autant par volonté que par obligation).

Schéma d’un organopónico type à Cuba

Les jardins sont organisés en plates-bandes rectilignes parallèles, larges de 90 à 120 cm, longues de 10 à 20 m.

La production se concentre autour de 10 espèces phares : laitue, tomate, ajo porro (allium porrum), haricot vert, concombre, radis, épinard, carotte, betterave, berro (nasturtium officinale)[4].

Les maladies et ravageurs sont contrôlés par l’utilisation de plantes aromatiques et compagnes (répulsives des insectes et autres ravageurs pouvant détériorer la production), la présence de barrières vivantes autour des cultures et la mise en place de pièges de couleur jaunes (50 %), blancs (25 %) et bleus (25 %)[5].

Pièges de couleur jaunes et bleus

Pour l’eau, l’Etat prend en charge la construction d’un puits et la mise en place d’un système d’irrigation par micro-asperseurs[6].

La commercialisation se concentre d’abord vers des structures publiques voisines (écoles, hôpitaux, maisons de retraite) puis vers la population du quartier à travers le point de vente du jardin. L’excédent de production peut également s’écouler vers des entreprises publiques[7].

Point de vente d’un jardin à Sancti Spiritus

Ces conseils ont évolué en une grille d’évaluation utilisée pour contrôler les jardins. Ce contrôle qui assure le bon fonctionnement des jardins représente également un frein à l’initiative et la liberté que peuvent prendre les jardiniers, allant parfois à l’encontre de leur productivité et de leur motivation[8].

 

En quête de diversité…

L’ensemble de ces informations forment des recommandations de l’Etat et ne sont pas suivies à la lettre dans tous les jardins. En pratique, chaque jardinier a mené son jardin selon ses contraintes, ses possibilités, ses envies, ses idées, faisant de l’endroit un lieu unique. Nous observons une diversité d’organisations, de productions et de méthode que nous sommes allées étudier sur le terrain.

Nous sommes parties à la recherche de cette diversité afin de l’illustrer et de la transmettre au mieux pour pouvoir s’en inspirer en France.

 

[1]Ginet Pierre et Béguin Chloé, Contretemps, 2018. La Havane et ses organoponicos. Disponible sur Internet : https://www.contretemps.eu/havane-organoponicos/[consulté le date 27/05/2019].

[2] María Caridad Cruz, 2016. Agricultura urbana en América Latina y el Caribe : Casos concretos desde la mirada del buen vivir. Revista Nueva Sociedad, 21p.

[3] Instituto de Investigaciones Fundamentales en Agricultura Tropical, INIFAT, 2011. Manual Técnico para Organopónicos, Huertos Intensivos y Organoponía Semiprotegida. La Havane : Séptima Edición, 208 p.

[4] Entretiens avec les jardiniers rencontrés.

[5] Grupo Nacional de Agricultura Urbana, Suburbana y familiar, 2018. Lineamientos de la agricultura urbana, suburbana y familiar para el ano 2018. La Havane : INIFAT, 149 p.

[6] Entretiens avec les jardiniers rencontrés.

[7] Ibid.

[8]Ibid.

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