Maraba, état du Para, Brésil. Du courage et des arbres pour accéder à la Terre

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Marabá, ville à L’Est du Pará, en plein centre de l’Amazonie orientale, en plein cÅ“ur des mouvements sociaux et des luttes pour la terre. C’est ici que nous avons compris il fallait lutter pour protéger avant tout les hommes et leurs droits. Nous avons plus joué aux sociologues qu’aux agronomes. Mais n’est ce pas normal après tout ? Celui qui cultive la terre n’est il pas un homme avant tout ? 

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Carte du Para avec à l’Est, Maraba

 

Jeudi 18 mai

Comme des milliers de gens nous avons quitter le Maranhão pour le Pará. Eux, venaient chercher une terre, un travail et une vie meilleure. Nous, rencontrer la CPT, ou la Commission Pastorale de la Terre, un mouvement social issu de l’église catholique progressive et de la théologie de la libération qui lutte aux côtés des travailleurs ruraux et des sans-terre.

Nous avons établi le campement au cabanagem, un lieu chargé d’histoires. Un nom et un lieu qui allaient donner le ton au  reste du séjour .

Cabanagem, une révolution des opprimés. Des indiens, des noirs, des métisses de la région amazonienne (le Pará) prennent les armes pour dire non à la misère dans laquelle les laisse le gouvernement fédéral  (1835-1840). Le nom vient de leur habitation: les cabanes. Malheureusement, le gouvernement arrivera à mater la révolte, dans un bain de sang. Aujourd’hui,  c’est un lieu qui accueille des travailleurs ruraux, ex-escales, en attente de leur procès, des personnes qui veulent se réinsérer dans une vie “normale”. Il y a également des étudiant, enfants de travailleur ruraux, qui profitent d’un logement à prix doux  et qui étudient la législation de la terre. Tout au long de l’année il y a aussi de nombreux séminaires, organisés par les mouvements sociaux, ils ont tous un point commun: l’accès à la terre et son utilisation .

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Atelier pratique sur les technique agroécologique, organisé par la CPT  à la fondation Cabanagem, pour les agriculteurs, étudiants et sympathisants du mouvements

21 mai

Très vite, on s’est mis en route avec Junior, un technicien de la CPT. Sur le trajet, il commence à nous raconter des histoires qu’on aurait aimé qu’elles restent des histoires. De l’esclavages, des massacres, des luttes matées… La voiture de Junior nous a déposées chez Sé et Laisa, une maison au bout du monde, perdue au milieu d’un assentamento, c’est-à-dire une terre régularisée et colonisée par des petits agriculteurs, issue de la Réforme Agraire brésilienne. Cet assentamento est un assentamento extrativiste, c’est à dire habité par des personnes qui essaient (plus ou moins) de vivre des ressources de la forêt.

Ce n’est pas anodin si on nous a emmené ici. Dans cet assentamento,  ce sont deux vies qui ont fait grandir la tâche de sang qu’est l’Amazonie, les vies de Claudio et Maria. Ils voulaient montrer comment vivre dignement et honnêtement de la forêt, en multipliant les dénonciations et les actions sociales et environnementales. Ils savaient ce qu’ils risquaient pour défendre la nature mais ils ont eu le courage de défendre ce qui les faisait vivre : la forêt. Les grands propriétaires fonciers incriminés ont cru gagner la bataille en les éliminant et en faisant taire leur “lutte”. Aujourd’hui, leur mort est célébrée et est devenu le symbole d’une lutte audacieuse et nécessaire. Maria et Claudio. Unis dans la vie pour protéger la forêt, unis dans la mort pour dénoncer les vices du systèmes actuels.

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Stèle en mémoire de Maria et Claudio, décorée pour la marche commémorative dans l’assentamento extrativiste

Laisa est la soeur de Maria. Avec son mari, elle a repris la lutte de sa sÅ“ur. Avec elle et son mari, Sé, nous avons découvert que la forêt avait beaucoup d’ennemis. Mais il existe des gens qui ne cesseront jamais de lutter pour la défendre. Lutter pour la forêt c’est lutter pour la vie et pour la justice sociale.

 

30 mai

Pendant cette semaine, on a vraiment touché aux problématiques d’accès à la terre. Et ça a été problématique pour nous de tout comprendre. Entre la loi et la réalité … Entre ce que nous racontaient les personnes des assentamentos, les personnes des mouvements sociaux et ceux que nous avons observés … Un joli méli mélo dû à l’histoire coloniale; à des politiques absentes qui sont du côté des « gros riches ».

La réalité de l’assentamento, nous l’avons rencontrée au PDS Porto Seguro, PDS pour Projet de Développement Durable. Un assentamento bien particulier puisqu’il est soumis à certaines règles, notamment ne pas déforester. Ici nous avons vécu avec des gens à qui la vie n’a pas offert grand chose mais qui eux ont toujours quelque chose à offrir. Leurs témoignages, souvent poignants et empreints de larmes… leur hospitalité, simple mais remplie d’amour.

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Sonia et sa famille, suivies de Géraldo, des agriculteurs au grand coeur à Porto Seguro

Aujourd’hui, ils sont un exemple dans la région et que pour la première fois, une personne du Ministère et une autre de l’EMBRAPA (l’INRA brésilien pour simplifier) sont venues visiter un assentamento de la région Sud/Sud-Est du Pará. Leur apporteront-ils les aides nécessaires pour ouvrir l’école qu’ils attendent tant, ou l’appui technique dû ..?

Ce qu’ils ont vécu pour être aujourd’hui habitant du PDS, à savoir l’occupation de la terre, les expulsions par la police, l’incertitude du lendemain, d’autres le vivent encore aujourd’hui… Il y a une semaine, un fazendeiro, ou grand propriétaire foncier, payait la police pour déloger des paysans qui occupaient “illégalement” ses terres. La police laisse derrière elle dix morts … certes ils étaient en inégalité, mais le prix à payer était-il leur vie ? Tout ça pour vous dire que la lutte ici au Brésil n’est pas finie. Et que jamais rien n’est acquis. 

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Visite officielle à l’assentamento Porto Seguro. Est-ce la promesse d’un changement ou de la poudre aux yeux?

 

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On a découvert un nouveau volet de l’agroforesterie à Maraba. Ce type de système peut apparaître ici comme une évidence puisqu’il a été le premier système utilisé par les indigènes. Ils utilisaient les ressources de la forêt et la cultivaient en fonction de leurs besoins. D’ailleurs, quelques vestiges de ce passé ont résistés : la région de Marabá est appelée le Pentagone de la castanha (noix du Pará). Si ici, il y en a une telle concentration, ce n’est pas pour rien. Après les indiens, ce sont les premiers pionniers, petits agriculteurs, qui utilisent un type d’agroforesterie temporelle (culture sur brûlis avec rotation longue). C’est la forêt qui fertilise le sol. jusqu’à l’arrivée des fazendeiros et des vaches.

Avec eux, viennent les problématiques d’accès à la terre, les luttes pour la terre et une vie incertaine … comment planter des arbres sur une terre qui risque de nous échapper à tout moment? Comment planter des espèces pérennes sur une parcelle qui peut être balayée du jour au lendemain par un tracteur ? Comment avoir une vision à long terme , lorsqu’on ajoute le suffixe “ sur “ au mot vivre ?

Pourtant, faire de l’agroforesterie, c’est aussi résister, c’est aussi se libérer des chaînes du système… c’est montrer que je suis capable de créer de la richesse (et pas que financière …).  

 

Pour en savoir plus sur les thèmes abordés dans cet articles, allez jeter un oeil du côté de notre blog: Le Brésil, un pays qui n’en a toujours pas fini avec la colonisation et les inégalités ! , À la rencontre d’anciens sans terre à Porto Seguro, Marabá, rencontre en terre de l’expulsion foncière et de l’esclavagisme, Laisa et Zé, en route vers l’autosuffisance alimentaire,  La lutte sociale au Brésil a le goût de la terre et sent la forêt, Partie I ET La lutte sociale au Brésil a le goût de la terre et sent la forêt, Partie II

 

Départ de Maraba, une ville épuisante mais enrichissante où l’on souhaite beaucoup de courage aux petits agriculteurs et à leurs sympathisants. Pour explorer un peu plus les mouvements sociaux, on est partie cette fois-ci à la rencontre du Mouvement des Sans Terre… à très vite!

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