éTUDE DE SYSTÈMES AGROFORESTIERS AU MEXIQUE

Projet mené par Martin Laurenceau

Septembre à décembre 2015

Sur le thème de l'agroforesterie au Mexique, dans la région de Chiapas

Contexte : un projet au service de l'agriculture durable

Dans la réserve naturelle la Frailescana (Sierra Madre du Chiapas, Mexico), la pression pour l’accès à la terre et les terrains peu fertiles, avec des pentes atteignant 70%, ont conduit les agriculteurs à une forte intensification de leurs systèmes de production. Les conséquences se manifestent à travers une déforestation grandissante, des coûts de production élevés et de faibles rendements (1 à 2 tonnes de maïs par hectare).

Des producteurs de la région ont établi des systèmes agroforestiers de maïs et d’arbres à bois d’œuvre avec le soutien de l’ONG AMBIO, en suivant un schéma de paiements pour services environnementaux. Les systèmes s’inscrivent dans la dynamique d’une reconversion en caféiers d’ombrage. Les agriculteurs reçoivent un paiement les trois premières années après l’établissement des arbres, puis les cinquième, huitième, et dixième années. Ce paiement permet de motiver les agriculteurs à participer au projet de reforestation, et à couvrir les frais d‘établissement des systèmes (planter les arbres, entretien des parcelles, tailles, …). Tout au long du projet, des techniciens de l’ONG AMBIO soutiennent et conseillent les producteurs pour la gestion des arbres (courbe de niveaux, tailles, maladies, entretien) et du système agricole en général grâce à des ateliers variés portant sur l’entretien des sols, la rotation des cultures, l’exploitation des arbres.

Le projet de capture de carbone de l’ONG, Scolel’te (ou « l’arbre qui grandit » en langage maya), date de 1992 et est l’une des premières initiatives de ce type au niveau mondial. L’expérience accumulée avec les quelques 2000 producteurs participant au projet dans les Etats du Chiapas et de Tabasco (Mexique) permet aujourd’hui un fonctionnement efficace pour promouvoir des systèmes agricoles durables.

Fonctionnement et Dynamique des Systèmes Agroforestiers

Adaptation du système Taungya originaire d’Afrique, localement appelé Ixim’te (ou « maïs et arbres » en langage maya), le système en question repose sur l’association entre différentes cultures de la milpa (principalement maïs, haricots, courge) et des arbres natifs à bois d’œuvre précieux, comme cedro (Cedrela odorata), caoba (Sweitenia macrophyla), matilisguate (Tabebuia rosea) y guachipilín (Diphysa robiniodes).

Ce système est dynamique et s’inscrit dans une reconversion des parcelles en caféiers d’ombrage. Dans les cas étudiés, les producteurs cultivent les trois premières années les arbres avec les cultures de la milpa. Ensuite, à partir de la quatrième ou la cinquième année, les producteurs commencent à semer du café sur les parcelles (un quart d’hectare ou un demi-hectare), tout en cultivant la milpa là où il n’y a pas de café. En général au bout de 6 à 7 ans le système est entièrement reconverti à un caféier d’ombrage, et la milpa n’est plus cultivée, faute du manque d’accès à la lumière et de la présence des plants de café.

Des Bénéfices Sociaux et Environnementaux

Les bénéfices du système Taungya dans cette région sont variés : les arbres permettent de limiter l’érosion dans les terrains à fortes pentes, d’augmenter la teneur en nutriments (plusieurs espèces de légumineuses parmi les arbres semés) et en matière organique des sols, fournissent l’ombrage des futurs plants de café, et une partie d’entre eux pourront être exploités et vendus à prix élevé pour l’ébénisterie fine. Les arbres représentent aussi une diversification des revenus des agriculteurs, qui reçoivent un paiement pour la capture de carbone.

La volonté de reconversion au café s’inscrit dans un contexte difficile, où le prix de marché du maïs ne permet plus de couvrir les coûts de production. Les agriculteurs de la zone veulent donc actuellement garder une partie de terres en milpa pour leur autoconsommation, et une autre partie pour la production de café d’ombrage. Le système Taungya permet de réaliser cette transition tout en gardant la terre productive, augmentant la biodiversité et la qualité du sol des parcelles.

Lien avec Les Agro’nautes

L’engagement des producteurs dans le projet de reforestation représente un exemple concret d’effort vers la transition agroécologique. Plutôt que de continuer à épuiser un sol peu fertile, l’agroforesterie permet ici la restauration des terres, tout en la maintenant productive. Il y bien une amélioration de l’agrosystème grâce à l’imitation de processus naturels, puisque la présence des arbres redonne à la terre sa capacité de produire (rétention des sols, humidité, nutriments) en limitant la quantité d’intrants.

A l’issu de ce projet sera rédigé un article scientifique décrivant les caractéristiques du système de manière détaillée (plan des producteurs dans le futur, évolution de la quantité de carbone stockée au cours des années, évolution de la taille, du diamètre, et de la diversité des arbres dans les parcelles, projection de rentabilité économique du système prenant en compte les paiements pour services environnementaux, les ventes de bois d’œuvre, les rendements des cultures).

D’autre part, un reportage contenant des entretiens avec différents producteurs, des personnes travaillant dans l’ONG AMBIO, et des chercheurs d’ECOSUR sera disponible. Il permettra la compréhension des enjeux auxquels répondent ces systèmes agroforestiers dans le Sud-Est du Mexique, et une description de leur fonctionnement.