L’expérience de l’Écologie Humaine à Hepa, Vietnam

Après 7 semaines passées en Thaïlande, c’était la boule au ventre que nous quittions nos familles Thaïlandaises pour nous envoler vers de nouveaux horizons asiatiques. Le Vietnam et ses merveilles nous tendaient les bras. Face à de nouveaux imprévus qui nous ont empêché de nous rendre directement dans le centre Vietnam pour notre étude, nous avons pu prendre une semaine de vacances dans la capitale du Vietnam : Hanoi. Un concentré de vie, de culture et de délicieux petits restaurants qui s’intègrent dans la mouvance et le brouhaha constants des klaxons et de la circulation chaotique propre à ce pays.

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Alors il faut le dire, nous n’avons pas résisté à l’appel de la mer et des campagnes alentours où trouver plus de calme et avons fait un petit détour par la baie d’Ha Long et Ninh Binh (la baie d’Ha Long terrestre). Nous nous retrouvions à la fois émerveillées par ces paysages idylliques et affolées par la quantité de bateaux remplis de touristes du monde entier qui parcouraient la mer pour découvrir la fameuse baie. Un tableau riche en couleur mais victime de son succès … Bien que les espèces animales et végétales endémiques de ces îles semblent être mises sous un programme de protection, l’eau de mer et les espèces marines sont les premières atteintes par ce tourisme de masse qui chamboule tout l’écosystème. Notre regard d’agronome nous suit décidément partout !

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Après une semaine de petites vacances, nous avons enfin pu nous remettre au travail. C’est à la frontière du Laos, dans la province de Ha Tinh que se trouve HEPA (Human Ecology Practice Area), l’école d’agroécologie où nous avons passé 3 semaines. Financée par l’ONG vietnamienne SPERI, c’est une école pour fermiers qui souhaitent mettre en pratique le principe d’écologie humaine. Il s’agit simplement d’un espace où le système humain (une ethnie par exemple) interagit avec le système écologique. L’homme, principalement au travers des ainés des villages, apporte ses connaissances pour gérer le système écologique qui lui apporte de quoi manger et encore plus de savoir en retour. Aujourd’hui, 15 personnes travaillent et vivent sur place pour protéger les forêts, protéger la rivière des déchets des touristes vietnamiens, s’occuper des jardins et des fermes et … faire la cuisine.  Mr Vinh a été notre principal hôte durant ce séjour et nous a fait découvrir ce projet dont voici l’histoire

Pourquoi une telle école a t-elle été créée ?

En seulement 10 ans le Vietnam a connu un développement incroyable, parfois incontrôlé. Cela a beaucoup impacté les populations rurales qui souhaitent aujourd’hui principalement « partir à la ville pour s’enrichir, acheter des motos, des téléphones, des télévisions etc etc » comme dit Vinh. Le gouvernement de son côté promeut les monocultures et la déforestation pour produire de l’acacia pour le papier notamment et les ethnies qui représentent une très grande partie des fermiers sont enrôlées dans le système. Les traditions se perdent alors petit à petit et les fermiers sont toujours plus considérés comme des arriérés, surtout ceux réfractaires aux systèmes intensifs. Pourtant ce sont eux qui portent les savoirs ancestraux du pays et qui, au travers de leur croyance des esprits de la nature, protègent les forêts, leur faune et flore et donc en partie la richesse du pays. Tout ceci soulève évidemment la question de la transmission des connaissances, des croyances et de la conservation de ces ressources. Principalement pour ces communautés ethniques, nous parlons d’une perte de connaissances sur les plantes locales et leurs utilisations médicinales et alimentaires.En seulement 10 ans le Vietnam a connu un développement incroyable, parfois incontrôlé. Cela a beaucoup impacté les populations rurales qui souhaitent aujourd’hui principalement « partir à la ville pour s’enrichir, acheter des motos, des téléphones, des télévisions etc etc » comme dit Vinh. Le gouvernement de son côté promeut les monocultures et la déforestation pour produire de l’acacia pour le papier notamment et les ethnies qui représentent une très grande partie des fermiers sont enrôlées dans le système. Les traditions se perdent alors petit à petit et les fermiers sont toujours plus considérés comme des arriérés, surtout ceux réfractaires aux systèmes intensifs. Pourtant ce sont eux qui portent les savoirs ancestraux du pays et qui, au travers de leur croyance des esprits de la nature, protègent les forêts, leur faune et flore et donc en partie la richesse du pays. Tout ceci soulève évidemment la question de la transmission des connaissances, des croyances et de la conservation de ces ressources. Principalement pour ces communautés ethniques, nous parlons d’une perte de connaissances sur les plantes locales et leurs utilisations médicinales et alimentaires.

Face à ce constat, Madame Lanh, avec l’aide de SPERI a créé HEPA en 2002. Sachez que nous parlons ici d’un terrain de plus de 200ha qui a été prêté pour une durée de 50ans par le gouvernement provincial qui a visiblement été sensible aux objectifs du projet : conserver les cultures et traditions et préserver les forêts. Cela consistait en un projet d’« empowerment » des fermiers de la région du Mékong, particulièrement les ethnies pour les pousser à cultiver la croyance des esprits et à développer leurs connaissances en particulier au niveau agricole. La mission en elle-même reposait sur deux points :

  • Avoir des changements au niveau local tout en traitant de questions plus globales telles que le changement climatique, l’érosion, la biodiversité, le rôle de la gestion communautaire des ressources.
    Créer un environnement dans lequel les fermiers et les jeunes se sentent libres de développer des savoirs, innovations et pratiques spécifiques de leur région

    HEPA encourage donc les fermiers à développer ce qu’ils ont déjà et qui leur bénéficie le plus tout en les sensibilisant à d’autres sujets.

Fonctionnement de HEPA

Le terrain ainsi rattaché au projet était un  lieu idéal pour promouvoir l’observation de la nature et pour designer des agro-écosystèmes. Il a donc été étudié puis remodelé entre 2002 et 2007. Des designs d’ « ecofarming »  ont été mis en place, des maisons ethniques traditionnelles implantées pour accueillir les fermiers durant leurs séjours d’apprentissage, des jardins ont été créés pour nourrir tout ce petit monde, les contours des terrains ont été dessinés et le projet de conservation de la forêt a commencé avec la plantation d’arbres natifs.

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Au fil des années, les formats de formation ont bien évolués : en 2005, l’école proposait des cours sur une durée d’une à deux semaines sur le design de permaculture. Début 2007, les cours d’ « ecofarming » ont été lancés pour des périodes de 3 à 4 ans avec des promos de 12 élèves. C’était un gros programme d’apprentissage, créé par Mme Lanh dans lequel elle incluait d’autres enseignements tels que la conduite, l’économie, les langues etc etc . Mais la promo a perdu petit à petit ses élèves … Certains sont partis car ils ne souhaitaient pas forcement passer 4 ans si éloignés de tout, d’autres parce que le métier de fermier ne leur correspondaient pas, et la majorité car il n’y avait pas de diplôme reconnu à la clef et que le programme était beaucoup trop long. Certains d’entre eux sont rentrés dans leur communautés et ont continués le métier de fermiers en appliquant ce qu‘ils avaient appris à HEPA. D’autres qui préféraient un job plus « sérieux » sont partis en ville. Les connaissances s’acquéraient avec la pratique sur les terrains et l’apprentissage personnel. HEPA apprenait aux jeunes à devenir des leaders de leurs communautés mais ce n’était pas évident à accepter pour tous. Une nouvelle promotion est arrivée en 2010, et les élèves restant de la première génération étaient devenus enseignants à leur tour. En 2012 c’est une dernière promotion d’élèves du Laos qui est arrivée pour 2 ans.

Face aux problèmes liés à l’intensité et la longueur du cursus, il a été décidé fin 2014 de diminuer radicalement la durée du programme et de concentrer  les programmes sur des périodes allant de 2 semaines à 3 mois. HEPA a ainsi revu complètement son programme jugé trop long et a établi des thèmes qui étaient plus adaptés aux futurs élèves et les plus demandés. Quel que soit le cursus, l’école fournissait un support d’enseignement et des professeurs qui pouvaient être de deux types : des ainés ou chamans des villages ethniques gardiens des savoirs sur les plantes, ou des employés d’HEPA passionnés de permaculture et d’agro écologie, parfois des anciens élèves comme Vinh. Aujourd’hui l’école accueille moins d’élèves qu’avant et se concentre désormais sur un projet d’initiative sociale. Son but ? Former les fermiers à devenir des entrepreneurs qui vendent leurs produits tout en restant concernés par leur environnement. Il ne suffit pas de gagner sa vie pour réussir, il faut aussi pouvoir la pérenniser et inversement.

Assez parlé d’histoire, que trouve-t-on exactement à HEPA et qu’avons-nous fait dans ce merveilleux endroit ?

A HEPA, c’est plus d’une cinquantaine d’espèces comestibles qui sont cultivées ou qui poussent naturellement dans les jardins et la forêt : du thé, aux légumes, aux herbes aromatiques et médicinales, aux arbres à feuilles comestibles, nous avons fait le plein de saveurs durant notre séjour. Car tout ce qui est produit ici est mangé ici. Mais HEPA est aussi un lieu de conservation de la forêt : l’école gère une pépinière où sont plantées des graines d’arbres mères récoltées dans la forêt. C’est grâce à cette activité qu’HEPA peut réintégrer dans la forêt des plants vigoureux d’espèces locales à protéger. Depuis quelques mois, Vinh et Hung un autre employé ont lancé une activité de pisciculture dans l’un des bassins d’HEPA, une mission prenante puisque plus de 1000 poissons doivent être nourris matin midi et soir. Au-delà de ces activités, l’ensemble des employés d’HEPA sont depuis le début de cette année chargés de gérer les touristes de la rivière Rao Anh. De l’accueil, au barbecue de poulet, au ramassage de déchets, ils sont sur tous les fronts ce qui les empêche parfois d’avoir du temps pour entretenir leurs propres jardins. Nous avons participé peu à peu à chaque activité.

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Alors que les horaires de repas fixes (6h30, 11h30, 18h30) pouvait donner un air de travail intensif à notre séjour, nous avons tout de même eu du temps pour nous et pour nous investir dans le travail des Agro’nautes. Il faut dire qu’avec une rivière aussi sublime que celle de Rao Anh qui nous attendait tous les matins scintillant sous les premiers rayons du soleil, la vie ne pouvait pas être difficile ! Elle nous rafraîchissait midi et soir après les travaux aux champs sous le soleil de plomb. Nous mangions avec les 15 employés d’HEPA à chaque repas, partagions la vaisselle et buvions le thé cultivé sur leur espace. Nous dormions toutes les trois dans l’une des maisons sur pilotis traditionnelles des ethnies Hmong, donnant sur la rivière et entourée par la forêt.

Après avoir découverts les fermes (les maisons et leurs jardins respectifs), la rivière et la maison des esprits qui nous accueillait sur ses terres, nous avons commencé les travaux pratiques. A nous le désherbage et l’arrachage des herbes envahissantes pour y découvrir en dessous  des terrasses de cultures déjà dessinées dans la pente pour limiter l’érosion. A nous la découverte et la cueillette des plantes comestibles et médicinales de la forêt que nous dégustons midi et soir aux repas. A nous la création d’un petit potager à côté de la cuisine, qui permettra à Inta et Huong, les cuisinières, de faire moins de trajet pour récolter leur plantes. A nous le taillage de haies entourant les jardins qui commençaient à perdre leur forme. A nous le paillage des arbres et des potagers pour maintenir l’humidité, apporter de la matière organique aux plants et limiter l’érosion. A nous la construction de toits en feuilles de palme pour restaurer certaines maisons traditionnelles qui prenaient la pluie. A nous la préparation de la nourriture des poissons du bassin de Vinh à base de tronc de bananier, poudre de maïs et parfois même de fourmis rouges grillées ! A nous le ramassage des déchets laissés sur les berges de la rivière par les touristes vietnamiens peu (le mot est faible …) sensibilisés aux questions environnementales. A nous l’expérience de l’écologie humaine dans la forêt parmi les chiens, souris, serpents, sangsues, chauves-souris,  et autres animaux plus ou moins accueillants !

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Durant trois semaines, nous avons souvent eu l’impression de manquer de travail et nous avons été parfois déçues de ne pas avoir pu rencontrer de fermiers dans leurs ethnies ou en cours de formation … Mais avec le recul, nous nous sommes rendues compte que l’ensemble des employés en sont un exemple, venant eu même de communautés ethniques et conservant ce mode de vie. Nos hôtes étaient déjà très occupés avec leurs travaux respectifs notamment pour gérer les visiteurs de la rivière et ne pouvaient donc pas toujours nous confier du travail. Nous avons malgré cela vécu une expérience très enrichissante et avons beaucoup appris sur l’importance de conserver les savoirs ancestraux et les ressources naturelles des forêts qui peuvent assurer la survie des hommes.

A bientôt pour de nouvelles aventures au Cambodge !

Bienvenu(e)s dans les forêts comestibles de Mae Tha …

Après avoir quitté Nong Khai, nous nous rendons dans la communauté de Mae Tha, dans la région de Chiang Mai. Cette ville est très connue des touristes, car de nombreuses activités, comme les trekkings en montagne ou les balades à dos d’éléphant sont possibles dans la région.

La communauté de Mae Tha est de plus en plus connue en Thaïlande pour la remarquable gestion forestière ainsi que pour le développement important de l’agriculture biologique. Nous avons été (très) bien accueillies par la famille de Mathana et celle de Aun. Cela nous a permis de bien nous insérer dans la communauté, et de mieux la comprendre. Nous y sommes restées 3 semaines, participant aux tâches agricoles et partageant la vie quotidienne des habitants dans ce petit coin de paradis.

  • Un peu d’histoire (d’après un entretien avec Pat Aphaimool, leader de la communauté)

L’histoire de cette communauté ressemble à celle de bien d’autres dans cette région montagneuse. Il y a 60 ans, les habitants vivaient en lisière de foret, qui leur procurait tout ce dont ils avaient besoin pour vivre : eau, plantes comestibles et médicinales, fruits, champignons, viande, bois de construction (teck)… Les parcelles rizicoles en fond de vallée venaient compléter le régime alimentaire. Pour Pat, le père de Mathana , c’est un âge d’or, où les habitants étaient certes matériellement très pauvres, mais avaient besoin de peu. La subsistance dépendait des ressources de la forêt thaïlandaise, et surtout de la connaissance des plantes et de leurs propriétés. Pourtant dès 1901, des compagnies privées commençaient à exploiter certaines parcelles de forêt, une préface au futur de la communauté. Sur les parcelles déforestées, des cultures commerciales de tabac et cacahuètes commencent à s’installer.

Dans les années 1955, la révolution verte atteint la Thaïlande. Le gouvernement veut exploiter ses forêts primaires, afin d’exporter des matières premières d’origine forestière et agricole. Dans tout le pays, les régions se spécialisent. A Chiang Mai, des compagnies étrangères se voient remettre des titres de propriété d’importantes parcelles de forêt, notamment celles entourant Mae Tha. Elles investissent alors la forêt primaire et ses bois précieux, ne laissant que des souches sur leur passage. A Mae Tha, la forêt recule avec les ressources des habitants, qui ne peuvent d’ailleurs plus y accéder légalement.

La pauvreté s’accentue, les familles doivent à présent acheter des terres agricoles nouvellement défrichées (auxquelles elles avait donc accès gratuitement auparavant) pour pouvoir implanter des monocultures (riz, baby corn, tabac). Les fermiers sont dépendants de contrats avec de grandes entreprises, notamment de tabac : une usine de séchage est construite. La rémunération des produits agricoles permet à peine de gagner de quoi nourrir la famille et de payer l’éducation des enfants, jusqu’au collège le plus souvent. Les bénéfices issus de la vente des récoltes aux grandes firmes d’exportation ne couvrent pas l’achat des semences, fertilisants et pesticides chimiques. Les fermiers s’endettent. L’usine de tabac ferme, rendant la vie encore un peu plus dure. La production se réoriente vers la culture intensive de baby corn, dans l’espoir de dégager un revenu. Les familles s’endettent toujours plus : le prix des intrants augmente au cours du temps, et les revenus restent inchangés. En parallèle, les ressources naturelles comme l’eau et les sols sont pollués par les importantes quantités de produits chimiques répandus dans les champs. Un modèle très loin de la durabilité …

En 1986, après 13 ans d’endettement et de dur travail dans les champs de tabac et de riz, devant les problèmes de santé liés aux pesticides et la pauvreté de sa famille, Pat Aphaimool décide de changer de modèle agricole. La révolution verte n’a pas tenu ses promesses, il faut donc réinventer une nouvelle agriculture, qui permette d’abord de nourrir la famille, sans dettes, puis de vendre les surplus au marché local. Un pari fou pour l’époque, qui va révolutionner la vie des habitants de Mae Tha.

  • Mae Tha, communauté bio

La transition n’est pas facile sur les sols dégradés par des années de monoculture. Les premières années, Pat obtient de très faibles rendements, la famille n’y croit plus trop. Il persévère cependant, inspiré par le mode de vie de ses ancêtres, observant la nature. Sur une ancienne parcelle de tabac, il décide de recréer la forêt qui le nourrissait avant la révolution verte. Nous vous expliquerons comment il a procédé dans un article prochain, c’est très ingénieux ! Il plante d’abord des bananiers, puis des manguiers et ananas, semant les graines de sa future agroforêt. Au bout de deux ans, il produit assez de fruits, légumes et plantes comestibles pour les vendre au marché. Il n’a plus de dettes et achète très peu d’intrants : il peut enfin vivre et se nourrir de son travail.

Pat, dans l’agroforêtAprès plus de 30 ans, le résultat est impressionnant : une forêt riche, où cohabitent essences fruitières et bois d’œuvre, plantes comestibles, champignons, qui permet de nourrir sa famille et de vendre au marché.

Peu à peu d’autres producteurs suivent l’exemple de Pat, ils sont aidés par des ONG comme Green Net, qui leur permettent d’améliorer leurs techniques de production et la commercialisation. Ils se réunissent d’abord en groupes de producteurs, permettant de partager le travail et faire face aux difficultés techniques. Green Net appuie le regroupement des producteurs en coopérative à partir de 2000, et facilite la certification biologique des produits vendus par la coopérative. La communauté s’organise, définit ses objectifs : une production diversifiée, complémentaire entre les producteurs, permettant la quasi autosuffisance de la communauté et la vente sur les marchés locaux et bio. Au fil des ans, la production certifiée est de plus en plus importante : baby corn, légumes, fruits, plantes médicinales, produits transformés … Un véritable succès. Aujourd’hui, la coopérative compte membres, un nombre en croissance continue.

Entrée de l'agroforêt
Entrée de l’agroforêt
  • Au delà du modèle agricole, la durabilité, un mode de vie

Pour soutenir les investissements locaux, les producteurs ont créé un groupe d’épargne, dans lequel ils mettent en commun leurs profits, obtiennent des intérêts et peuvent demander un crédit à taux réduits. En Thaïlande, la culture de l’épargne est peu répandue chez les fermiers qui bien souvent n’ont pas de compte en banque ni de registre, et dépensent selon les besoins l’argent gagné. Grâce à la banque communautaire, les fermiers ont appris à mieux gérer leurs revenus et ont accès à des fonds qui leur permettent d’acheter de nouvelles parcelles, du matériel agricole, des animaux et même construire une nouvelle maison. Pour les familles qui ont choisi la transition et l’implication dans la vie communautaire, le niveau de vie s’est largement amélioré. C’est le cas pour la famille de Aun, qui a pu faire des études d’architecture à Chiang Mai. Pat, lui, a pu acheter de nouvelles parcelles, passant en 35 ans d’une surface de 0.08 ha à près de 6ha, le tout cultivé sans aucun intrant chimique, selon les principes de l’agroforesterie. L’agriculture biologique a permis au village de sortir de la pauvreté. Pourtant, sans implication de la part des jeunes du village, tout ces efforts risquent d’être perdus.

Alors qu’un des principaux problèmes de l’agriculture actuelle est le vieillissement de la population agricole, et le faible taux de reprise des exploitations familiales, certains jeunes de Mae Tha ont choisi de revenir au village, parfois après des études universitaires et un travail à Bangkok. Mathana est agronome, mais elle à fait le choix de revenir à Mae Tha et de soutenir l’agriculture locale. Elle travaille pour Green Net et est à l’origine de la création du Green Net Organic Center, un centre dédié à la formation et la recherche sur la conservation et la production de semences locales et bio. Elle organise régulièrement des formations pour les paysans des communautés alentours, les encourageant à produire et conserver leur propres semences ;bien plus adaptées au contexte local que les semences enrobées de pesticides vendues dans le commerce. Dans la ferme familiale, elle consacre 3000 m2 à la production de semences biologiques, qui sont ensuite vendues par Green Net.

Avec d’autres jeunes producteurs comme Aun et sa femme Yin, Mathana a créé Mae Tha Organic, une entreprise communautaire qui permet la vente locale des productions biologiques. En quelques années, les activités se sont multipliées : vente de produits transformés (confitures, fruits  séchés), distribution de paniers de légumes bio à Chiang Mai. L’an dernier, en partenariat avec des producteurs de café bio des zones montagneuses, un café a été ouvert, géré par le groupe. Le succès est incroyable (et les cafés très bons, testé et approuvé !)

Cette communauté nous donne beaucoup d’espoir, et nous montre que les initiatives durables sont nombreuses et peuvent être la réponse à de nombreux problèmes environnementaux, agricoles, sociaux et économiques lorsqu’elle sont appliquées à grande échelle. Les défis à relever à Mae Tha sont encore nombreux, mais on peut être très optimiste sur le futur de cette aventure formidable  grâce à l’implication des jeunes générations. Notre séjour à Mae Tha nous a beaucoup appris, sur le plan professionnel comme sur le plan humain. Ici tout se partage, l’entraide est la règle, on ne peut avancer sans les autres.

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Nous remercions les familles de Aun et Mathana pour les moments et les connaissances partagées dans leur magnifique région.

Premier arrêt au Village Vocational Training center (VVTC) dans la région nord de Thailande, l’Isan

Les Asiatiques sont de retour ! Cela fait 2 mois que nous sommes sur la route à la découverte de l’agriculture durable en Asie et ce n’est que maintenant que vous avez des nouvelles de nous. Un retard inexcusable nous en sommes conscientes mais nous allons nous rattraper ! Figurez-vous que nos deux ordinateurs portables n’étaient « physiologiquement » pas adaptés à la température ambiante de 42°C qui régnait au premier endroit où nous avons lâché l’ancre (étonnant !). Nous avons donc fini sans ordinateur jusqu’à ce début de mois de juillet.

Aller c’est parti on rattrape le temps perdu et on se lance !

C’est dans la province de l’Isan en Thailande qu’a débuté notre périple. Durant trois semaines, nous aurons résidé dans la ville de Nong Khai, une ville frontière entre la Thaïlande et le Laos. Deux pays reliés par le pont de l’amitié dont les cultures et comportements sont différents et proches à la fois (same same but different comme on dit ici). Nong Khai est de ce fait d’avantage considérée comme une ville de passage express par les touristes et d’échanges commerciaux pour les locaux.

Sur les rives du Mékong
Sur les rives du Mékong

C’est au VVTC (Village Vocational Training Center) un centre de formation pour agriculteurs que notre étude débute. Resituons un peu le contexte. Le VVTC est financé par les Good Shepherd Sisters de Nong Khai, une ONG catholique dédiée à l’aide au développement des populations en difficultés dans le monde entier. A Nong Khai, ce groupe apporte une aide considérable aux populations des villages alentours et ce sur plusieurs fronts. On retiendra dans les grandes lignes l’aide au développement agricole, l’aide médicale aux victimes du VIH/AIDS et la sensibilisation des villageois à ces maladies, le maintien des traditions (poteries, tissus) et le soutien à la scolarisation des enfants.

Pourquoi un appui à l’agriculture ? L’Isan est une région très sèche. Cette contrainte climatique oblige les agriculteurs à vivre d’une unique récolte de riz par an au lieu de deux en moyenne. Ce phénomène est généralement responsable du départ des pères de famille sur Bangkok ou d’autres grandes métropoles pour compenser le manque de revenus et de nourriture. Une situation très difficile pour les familles qui font face à une instabilité économique évidente. Avec l’appui des Good Shepherd Sisters, le VVTC permet à ces agriculteurs d’augmenter leurs revenus en diversifiant  leur production. Pour cela, le centre organise chaque année des séminaires et des formations. Au cours de celles-ci, les activités agricoles du centre et leur gestion sont exposées aux agriculteurs qui peuvent s’y former. A la sortie de cette formation, de nombreux agriculteurs décident de lancer une nouvelle activité.

Deux lieux sont sujets à ces formations. Le premier est le VVTC où nous résidions. Il s’agit d’un espace de  10 ha environ. On y trouve une partie des bureaux de l’ONG, des salles de conférences, des dortoirs et quatre des activités agricoles : la culture de champignon et la production des sacs de substrats, la pépinière, les plantations de fruitiers et la production de biofertilizants. C’est dans ce centre que nous avons dormi trois semaines et participé au diverses activités. Curieux ? Aller, voici un petit aperçu. Pour commencer, nous avons travaillé à la fabrication et l’inoculation des sacs de substrat permettant la culture de champignons : des pleurotes gris et des Lentinus tigrinus. A cette période de l’année, les pleurotes ne supportant pas la chaleur extrême, ce sont les Lentinus tigrinus que nous avons pu récolter et déguster. Nous avons également réalisé des boutures de divers arbres aux feuilles comestibles (qui puent …), séparé des plants de piments, participé à la récolte des  mangues et goyaves, protégé les fruits des insectes et produit des biofertilisants liquides et solides. Un beau programme !

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Le deuxième terrain situé à une vingtaine de kilomètres de là est le centre de Hua Sai où sont gérées l’activité d’élevage de bovins et la production de fourrages. C’est Mr.Weerasak qui est responsable de ce centre depuis bientôt 30 ans. Ce sont 35 têtes de bétail qui y sont élevées, destinées en particulier à être prêtée aux agriculteurs souhaitant lancer leur élevage dans le cadre du projet de Cow Bank (dont nous parlerons dans un prochain article spécifique) (prêt de vaches aux fermiers pour pouvoir débuter un élevage, avec soutien technique et financier, ce qui permet de diversifier les activités agricoles de la région). Nous avons eu la chance d’y voir la vaccination des vaches contre les maladies des pieds et de la bouche, ainsi que la fabrication de paille fermentée à l’urée. Ce procédé permet d’augmenter la valeur nutritive de la paille pour compléter la ration des vaches lorsque l’herbe fraîche se fait rare et que la paille seule est nutritionnellement insuffisante.

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Ce fut un séjour extrêmement enrichissant à tous points de vue. Non seulement nous aurons étudié le système du VVTC mais nous aurons également  rencontrés plusieurs agriculteurs de la région qui s’en sont sortis grâce aux initiatives de ce centre !

Et là vous vous dites, les pauvres petites, elles n’ont fait que travailler ! Mais ne vous en faites pas, nous avions nos week-ends et en profitions pour découvrir la région ! Nous avons profité des marchés de nuit où les délicieux plats locaux se vendaient à profusion, visité un village de tisseuses, et une ville ancienne aux maisons traditionnelles en bois au bord d’une rivière. Tout ceci en profitant de bonnes balades à pied ou en vélo pour découvrir de superbes points de vues et ne parlons pas de la dizaine de temples que nous avons visité !Nous tenons à remercier tous les membres du VVTC et des Good Shepherd Sisters, à les féliciter et à les encourager pour la suite ! Merci à sœur Pranee, Antonia, Weerasak, Thida notre maman attitrée, Niyom, Suzanne, les agriculteurs rencontrés et à toute l’équipe de Hands of Hope pour leur aide, leur patience, leurs sourires, et leur générosité !

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Nous tenons à remercier tous les membres du VVTC et des Good Shepherd Sisters, à les féliciter et à les encourager pour la suite ! Merci à sœur Pranee, Antonia, Weerasak, Thida notre maman attitrée, Niyom, Suzanne, les agriculteurs rencontrés et à toute l’équipe de Hands of Hope pour leur aide, leur patience, leurs sourires, et leur générosité !

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Prochaine étape, la province de Chiang Mai dans la communauté de Mae Thaé !

Quelques mots sur la Thaïlande

Après avoir posé le pied en Thaïlande, nous voulions vous décrire certains points essentiels sur ce pays. Allez c’est parti pour un petit cours !

La Thaïlande est un pays dont la superficie et le nombre d’habitant sont similaires à ceux de la France. L’agriculture en Thaïlande représente 11% du PIB avec comme activité principale la production de riz contre  53% pour le tourisme et 37% pour l’automobile et tous les jolis appareils électroniques que l’on peut retrouver dans nos magasins français. La Thaïlande est un pays émergent reconnu pour son économie ouverte et pour sa population accueillante et chaleureuse.

Il faut savoir que suivant la région, 2 ou 3 saisons sont présentes en Thaïlande :

  • la saison dite des pluies de Juin à Septembre : le temps reste ensoleillé mais avec de gros orages assez imprévisibles accompagnés d’une intense pluie de 1h à 3h par jour. Et en effet, nous avons plusieurs fois été arrosées durant nos désherbages (fréquents) de parcelles.
  • la saison sèche, torride de Mars à Mai.
  • la saison hivernale d’Octobre à Février. Il fait plus froid (enfin tout est relatif). Les 25 degrés atmosphériques restent d’actualité.

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Début d’inondation des rizières, en juin, région de Chiang Mai

Autre point essentiel, les 4 zones de production agricole :

  • le Centre, autour de Bangkok, avec ses monocultures intensives de riz.
  • l’Est où la riziculture traditionnelle domine mais avec moins de possibilité d’irrigation.
  • le Sud avec principalement de l’hévéa-culture et de la pisciculture, notamment de crevettes.
  • le Nord, zone montagneuse, avec une importante production de thé, de café, de fleurs et de légumes.

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En Thaïlande on mange traditionnellement assis sur une natte en palle de riz, parfois avec les mains. En haut à gauche, des herbes aromatiques, à droite des légumes sautés avec des œufs, en bas à gauche, du riz collant, spécialité des régions montagneuses et de l’Est, base de l’alimentation, à droite légumes locaux et sauces soja, au centre une pâte à base de poisson. C’est boooon !

Si on regarde maintenant du coté de la politique, la Thaïlande est une monarchie constitutionnelle. Le roi actuel Rama IX, adoré voire vénéré (il y a des photos de lui partout !), a peu de pouvoir mais élit le premier ministre qui gouverne le pays.

Le Roi soutient une économie de suffisance agricole basée sur une diversification des cultures. Plus de 3000 projets de développement agricole ont été lancés sous son initiative face aux problématiques agricoles du pays (déforestation, disparition de mangroves, pollution organique, érosion des sols, perte de la biodiversité …). Il a notamment proposé un modèle de ferme, apparenté à une exploitation en permaculture, qui pourrait se développer à l’avenir sur son territoire. Il se baserait sur un système de production avec 30% d’étangs, 30% de production de riz, 30% de verger|potager et 10% de bâtiments d’élevage.

Malgré une économie ouverte et émergente, la Thaïlande connait une forte instabilité politique qui risque de mettre à mal les avancées du pays :

  • De nombreux coups d’Etat avec une division du pays en deux : les chemises rouges représentées par les classes moins aisées, partisanes de la démocratie et les chemises jaunes qui soutiennent la monarchie et l’armée.
  • Une nette opposition entre un Sud riche et un Nord pauvre qui correspondrait au clivage politique énoncé précédemment.
  • La présence de rebellions d’extrémistes islamistes dans le Sud contre les autorités. En réponse à des attentats séparatistes, de violentes et arbitraires répressions ont eu lieues. Plus 6000 personnes sont mortes de ces affrontements.
  • La crise migratoire du Bangladesh et de la Birmanie vers la Thaïlande.
  • Le trafic d’être humains.

Ces réjouissances énoncées, on peut maintenant s’intéresser à un trésor de la Thaïlande : sa culture, fortement imprégnée par la religion bouddhiste. Plus de 95% de la population la pratique (5% de la population est musulmane et moins de 1% de la population est chrétienne). Une grande partie des arts (peinture, sculpture architecture, danse et musiques)  est influencée par le bouddhisme et ses dérivés. Les Thaïs font de nombreuses offrandes, par exemple de la nourriture et des colliers de fleurs, dans des temples ou encore chez eux dans de petits édifices appelés « Maison des Esprits ».

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Le Temple Wat Phra Singh, Chiang Mai, chedi, reliquaire typique de l’architecture des temples.

En résumé, la Thaïlande connait des instabilités politiques mais conserve une économie dynamique grâce notamment au secteur agricole. La culture thaïlandaise est très ancienne et fortement influencée par le bouddhisme.

Quels enjeux pour l’agriculture campesina au Paraguay ?

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Bonjour à tous, ou plutôt Mba’eichapa en langue locale

Cela fait maintenant 6 mois que j’ai débuté mon volontariat au Paraguay. Certains me disent déjà plus paraguayenne que le manioc…Ce n’est peut-être pas faux.  Ici, le manioc est notre pain quotidien et j’ai fait de mon quotidien, une complète immersion dans la vie des familles campesinas. Depuis mon article de présentation, plusieurs choses ont changés. Je vous fais une petite mise à jour de mon projet d’agro’nautes et vous fait partager quelques découvertes.

Partir pour un an ne fut pas un choix si facile. Mais voilà 6 mois que je suis ici et en aucun cas je ne voudrais partir déjà. Passé les premières incompréhensions, les premiers empressements, je perçois enfin où est ma place ici et en quoi je peux travailler avec ces producteurs campesinos. Il y a deux mois, j’ai quitté la zone urbaine de yasy cany pour aller vivre dans une famille au sein de la communauté. Maintenant, je travaille donc au plus proche de la production. Pas une journée ne ressemble à une autre. Mon temps se partage entre visite de fermes familiales, intervention et ateliers avec les comités de producteurs, organisation de marché locaux et travail aux champs.

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Atelier de commercialisation avec le groupe des jeunes promoteurs agroécologiques

Je me rends compte que la plus grande difficulté et le véritable défi de ces communautés campesinas est le renforcement des organisations et leur accompagnement. Une communauté est un regroupement d’environ une centaine de familles de producteurs. Les financements nationaux et internationaux ont beau venir de temps en temps, sans un groupe bien organisé et un accompagnement adéquat, les bénéfices sont bien pauvres. Bien plus que répondre aux producteurs sur leurs questions techniques de récupération du sol ou d’alimentation de leurs vaches laitières, le vrai enjeu est de discuter et organiser avec eux leur communauté. La mienne est un peu isolée du centre urbain et difficile d’accès à cause des chemins de terre parfois impraticable.

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Exemple de production maraichère familiale, le système de huerta mixte

L’enjeu de l’autonomie alimentaire est bien présent ici. La production est présente, mais par manque d’organisation, le niveau de vie reste relativement très bas et la pauvreté pousse beaucoup de famille à vendre leur terre aux grands exportateurs de soja. Alors, comment construire un système permettant à ces familles de rester et de vivre de leurs terres ? Là, est le grand défi de l’agriculture durable.

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Consciente de cette réalité qui dépasse largement le cadre de mon année de volontariat, je me dédie,  chaque jour à travailler avec ces familles pour les aider à promouvoir et à organiser leur production. Déjà 6 mois, et j’en découvre encore chaque jour.

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