Belem et Santarem. Éducation et accompagnement technique

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Les dernières étapes du projet Para Agroflorestal nous ont menées dans la partie Nord-Ouest du Para. La richesse des fleuves qui serpentent la région et de la forêt environnante font le rayonnement de ces 2 villes portuaires … seulement faut-il avoir conscience de cette richesse!

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2 à 3 jours de bateau séparent Belem et Santarem. Le fleuvre Amazone, un long fleuve presque tranquille

7 juillet

À Belém, nous avons le droit à une visite (express) dans les laboratoires du Centre de valorisation agroalimentaire des produits bio-actifs d’Amazonie (rien que ça), là où travaille le professeur belge rencontré à Tomé Açu. Ici, l’açai est examiné sous toutes ses formes, sous toutes ses couleurs, sous tous ses gènes. Mais à qui profitera ces recherches ? Aujourd’hui, l’açaï se récolte encore de manière traditionnelle. Pour cela, il faut de solides gambettes pour récupérer les précieuses baies au sommet du palmier. Il y a encore aussi des personnes qui se contentent d’aller ramasser l’açaï dans la forêt comme nous irions ramasser des champignons. Mais aujourd’hui il existe déjà des monocultures d’açaï irriguées pour toujours produire plus, il existe déjà une variété d’açai qui produit les fruits à son pied pour une récolte plus rapide.

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La baie d’açai le marché de Belem… qui se retrouve tôt ou tard dans les assiettes des clients !

Qui pourra investir dans ces nouvelles technologies? Le petit agriculteur ou les grosses entreprises ? À quel prix l’açaí sera vendu sur le marché de Belém lorsqu’il sera devenu une véritable mode en Occident, le produit miracle de tous les régimes ? L’açaí, une tradition… mais jusqu’à quand ?

Il est une promesse d’un développement socio-économique pour la région. Quel développement ? Ne répétons pas l’histoire de l’avocat et son désastre écologique ou celle toute aussi calamiteuse du quinoa et sa hausse de prix. Les systèmes agroforestiers pourraient offrir une bonne alternative pour développer la filière açai, entre savoirs traditionnels et connaissances scientifiques (pas du tout,  nous ne faisons pas de la propagande).

9 juillet

Direction Santarém, une ville portuaire du Para bien enfoncée dans la forêt Amazonienne.

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Surfers locaux sur pirogue. Les maisons sur pilotis bordent le fleuve Amazone 

Le voyage en lui-même est une aventure : trois jours de bateaux, trois jours au fil de l’eau. L’Amazone un long fleuve tranquille ? On répondrait plutôt par :  » débordant de vie ! « . Au milieu de la forêt, les pieds dans l’eau, des maisons de poupées se cachent. Quand on sort de sa maison, pas de terre ferme pour courir des kilomètres mais des étendues d’eau pour pagayer jusqu’à plus soif. D’ailleurs le grand jeu des enfants est d’attendre les vagues des ferrys pour pouvoir les surfer du haut de leur pirogue. Mais qui dit ferry, dit aussi clients. C’est le moment d’accoster le bateau pour vendre açaï, fromages et crevettes. Le plus souvent, ce sont les enfants qui montent, plus attendrissants. On a ouïe dire que certains vendraient même leur corps… Nous n’avons pas eu le temps de leur demander s’ils allaient à l’école, mais sur le bord de l’Amazone nous avons croisé plus d’églises que d’écoles.

Parfois la forêt laissait la place à des scieries ; mais c’était seulement parfois. Parfois, aussi, il n’y avait plus d’arbre mais des prairies avec des buffles les pieds dans l’eau.

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Un élevage bovin les pieds dans l’eau le long de l’Amazone

10 juillet

Arrivée à Santarem…enfin! Nous rendons visite à Harald, l’ingénieur écologiste allemand, qui travaille à la CEAPAC, Centre d’Appui de Projet Communautaire. C’est une petite ONG composée de 8 personnes accompagnant 300 familles qui vivent dans la REServe EXtrativiste Tapajos Arapiuns ou RESEX (voir carte ci-dessus). L’ONG aide les communautés à développer une agriculture agroécologique et à s’organiser collectivement afin d’améliorer leurs conditions de vie.

La RESEX est une des aires les plus préservées du Pará alors même que le Pará est l’Etat qui a connu le plus de déforestation entre 1988 et 2016. Composée de 74 communautés (soient 3076 familles), la réserve concilie la génération de rente pour les habitants avec la préservation de la forêt, même s’il existe encore des problèmes d’extraction de bois et de feu. Les populations tirent leur revenu de l’artisanat local (poterie et tissage en feuille de palmier) ainsi que que de la production de farine de manioc et l’exploitation des ressources naturelles notamment la pêche, le caoutchouc, l’açaï et les noix du Pará. La réserve fut crée en 1998 après la lutte des communautés pour protéger les pêcheurs de  l’exploitation illégale du bois qui sévissait dans la région. Ils étaient souvent menacés de mort par les braconniers du bois.

Même si le gouvernement a développé quelques infrastructures, toutes les communautés n’ont pas facile accès à l’école primaire ou secondaire, à l’électricité et à l’eau courante. Pour pallier au manque d’aide, les communautés se sont organisées. Elles ont créé des associations (il en existe 50 dans la RESEX) afin de se réunir et travailler collectivement. C’est aussi un moyen d’appeler les appuis techniques ….

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Construction de pépinières pour les agriculteurs de la communauté Nova Sociedade avec l’aide de la CEAPAC. Première étape du projet visant à la reconversion de culture sur brûlie en culture agroforestière

16 juillet

Ce n’est plus un secret pour personne. Il est tant d’arrêter de détruire la forêt amazonienne. Nous n’allons pas vous énumérer les bénéfices de la forêt amazonienne, mais on oublie bien souvent que la vie de certains peuples dépend d’elle, directement. Seringueiros, indigènes], nombreuses sont les populations du brésil qui vivent d’elle.  La forêt amazonienne est une ressource incommensurable mais aussi constitue un défi socio-environnemental pour le Brésil puisque 63% de son aire se trouve dans ce pays.

Les RESEX sont un exemple d’aire créée pour concilier la protection des ressources de la forêt en même temps que les traditions des hommes. C’est l’ICMBio, Institut Chico Mendes (en hommage à ce défenseur des collecteurs de caoutchouc, ou seringueiros dans le langage local) de Conservation de la Biodiversité qui est chargé de l’administration et la gestion de ces espaces. L’institut gère également les espaces naturels du Brésil afin de préserver la biodiversité de ce pays. Il travaille donc avec les ONG, comme la CEAPAC, les associations des communautés pour les informer sur leurs droits et leur devoirs, les centres de recherches et les universités.

Il est bien beau de gérer, administrer et même informer, mais sans éducation, sans sensibilisation, il y aura toujours de la déforestation, les ressources naturelles seront exploitées et mal utilisées. Les accompagnements techniques sont donc un moyen de montrer aux populations comment vivre de manière durable avec la forêt. On ne peut pas demander à des gens de protéger des ressources si dans le même temps il meurt de faim. On ne peut pas demander aux personnes d’avoir une conscience environnementale s’ils ne font que survivre. Dans la réserve extrativiste de Tapajos Arapiuns, 90% du territoire est de la foret. Les organismes que nous avons rencontrés (ICMBio et CEAPAC) travaillent main dans la main pour montrer qu’il est possible de vivre dignement tout en protégeant la forêt, montrer qu’il existe une alternative entre la vision de « forêt vierge » ou de « ressources à exploiter ».

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Fleur d’urucum, arbre dont les semences servent de colorant naturel, très prisé sur le marché. Cet arbre est natif de la région

Une manière de « vivre durablement » dans un espace naturel protégé est de faire de l’agroécologie. L’agroécologie, cultiver de façon respectueuse, vivre de façon respectueuse, c’est ce qu’essaie d’enseigner les Casas Familiais Rurais (ou Maison familiale rurale, venue de France…).

Nous sommes allées discuter avec la coordinatrice de celle de Santarém pour tenter de mieux comprendre leur rôle. Ce sont des écoles qui fonctionnent en alternance (instant chauvin : ils se sont inspirés du système français) : une semaine de cours pour 3 semaines dans une exploitation afin de former les jeunes du milieu rural. Elle leur apprend à revaloriser et développer leur région économiquement et socialement. Dans celle de Santarém, on apprend à cultiver sans pesticide, on se réapproprie les savoirs ancestraux et on combat l’industrie agroalimentaire. Ça vous rappelle quelque chose ? Et oui, le Mouvement des Sans Terres. Les Casas Familiais Rurais du Pará sont intimement liées aux mouvements sociaux: MST, syndicats. Les jeunes y apprennent une autre vision du monde, moins capitaliste et plus sociale. Il faut croire que ce type d’éducation ne soit pas au goût du gouvernement puisque ces écoles ne reçoivent que très peu de fonds et les professeurs sont donc volontaires …

21 juillet

Retour à Belém, pas question de chômer, le voyage touche à sa fin. C’est parti pour interviewer l’EMBRAPA, le centre de recherche agronomique du Brésil. Au cours de notre périple, on avait perçu l’EMBRAPA comme un centre qui fait de la recherche pour l’agro-industrie, qui développe l’élevage et les monocultures de soja, tout ce qu’on aime en gros. Cependant nous allions rencontrer quatre chercheurs sur les ressources forestières et l’agroécologie. Quatre personnes qui voulaient donner leur avis, c’était pas facile de tout comprendre. Mais on a vite perçu qu’on était tombée dans la branche « hippie » de l’EMBRAPA. Comme tous les chercheurs, techniciens que nous avions déjà rencontrés, ils nous ont dit:

– les systèmes agroforestiers c’est supers tant du point environnemental pour la récupération des aires dégradées, et pour la captation du carbone, etc, et tant du point socio-économique pour assurer une souveraineté alimentaire et un revenu aux populations. Les systèmes agroforestiers, des systèmes stratifiés et diversifiés, permettent une résilience socio-environnementale !

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Les forêts comestibles amazoniennes… un délice au quotidien!

-en Amazonie, beaucoup de connaissances ont été perdues sur les différentes cultures. Aujourd’hui les connaissances sont dans la tête des producteurs: le monde scientifique doit écouter les connaissances locales.

Comme tout le monde, ils nous ont parlé des problèmes du pays, de ce gouvernement corrompu qui était en train de couper tous les fonds pour la recherche, même sur la recherche agro-industrielle. Comme nous le savions déjà (mais ça fait toujours du bien de le réentendre), ils nous ont dit que le problème était beaucoup plus global, qu’il était difficile de faire changer les choses, de faire une agriculture différente dans cette logique productiviste qui homogénéise notre monde, dans ce monde gouverné par des grandes puissances  (Etats-Unis, France, Chine,…) qui imposent leur code…

Venez en savoir plus sur notre blog: http://agroflorestalproje.wixsite.com/paraagroflorestal/single-post/2017/07/23/Dans-les-tr%25C3%25A9fonds-de-lAmazonie

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Para Agroflorestal … considération finale !

A vrai dire, après toutes ces histoires d’injustice sociale, de corruption, de naturicide (ou le meurtre de la nature) on a eu un p’tit coup de mou. Et à force de se faire trimbaler d’agriculteur en agriculture, on s’est un peu demandé quel était notre rôle ici.

Est ce que notre projet servait vraiment à quelque chose ?  Quel était le sens de notre mission ? Avait-on un impact sur ces gens avec qui on avait partagé quelques fois moins de 24 heures ?

Alors on a décidé de s’offrir quelques jours de vacances bien mérités au parc des Lençois des Maranhaeses. Entre deux brasses coulées dans des lagunes turquoises et une ascension de dune, on a constaté que :

Trois françaises qui viennent vous rendre visite, qui s’intéressent à vous, ça vous faire du bien. On serait alors des genres « d’agitatrices de bonnes initiatives ».  Que ce soit avec les agriculteurs ou les étudiants ou des professionnels, chacun a été interpellé, à sa manière, par notre venue.. du moins, c’est ce qu’on à cru comprendre. On les a touchés, comme ils nous ont touchées…

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