Le retour de l’Aveyron à la Drôme

Le voyage

Poursuivons le récit de notre retour… c’était il y a deux mois, désolées pour le retard !

Fanny est déjà rentrée chez elle pour d’autres aventures où elle portera ses affaires sur son dos… Et laisser la place à d’autres bipèdes curieux de vivre au rythme du clapotement de sabots, le tout orchestré par Lena, la seule à connaître suffisamment bien le nœud qui nous tient proche de leur tente la nuit! Nous traversons l’Aubrac sur le chemin de Compostelle où les marcheurs s’émerveillent de nous voir passer, tandis que nous nous émerveillons des étendues à perte de vue. Ici, c’est le royaume des vaches, qui nous impressionnent parfois, surtout lorsqu’elles sont gardées par leur taureau ! En Lozère, nous continuons à croiser des vaches tout  au long de la traversée de la Margeride, puis des monts du Gerbier de Jonc en Ardèche. Cela fait quelques temps que nous voyageons à plus de 1000 m d’altitude, mais nous apprécions tous, humains et équidés, la fraîcheur de l’air et l’intensité de la lumière déversée sur les paysages. L’herbe savoureuse de montagne, si verte cette année, nous maintient bien en état ! Elle devient plus drue lorsque nous descendons des hauteurs en Ardèche dans la vallée de l’Eyrieux pour déboucher dans la vallée du Rhône. Là, nous redécouvrons la ténacité des taons et autres mouches dans la chaleur de la « plaine »… Nous la traversons au niveau de Valence pour regagner les montagnes et le calme, sur le Vercors. Là, nous profitons des dernières chevauchées sur le plateau d’Ambel, entre bonheur de connaître enfin ces beaux plateaux si proches de la maison et la nostalgie de la fin du voyage !

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L’agriculture rencontrée

A la vue des grands prés d’herbe  jaunissante, on peine à croire qu’Aubrac signifie « haute terre humide », mais le climat de ce plateau situé entre 1000 et
1350 m y est très froid et humide en hiver ! C’est une terre d’élevage de vache exclusivement, avec la race Aubrac si réputée pour sa viande. Les troupeaux passent l’été en estive et l’hiver en stabulation, nourries en partie au foin, en pleine production lors de notre passage.  Quelques anciens burons, les grandes bâtisses en pierre où était réalisé le  fromage d’estive , dont une petite partie est encore en activité, attestent du passage  progressif  d’un élevage bovin laitier vers un élevage allaitant (c’est-à-dire pour la viande) , moins risqué financièrement et moins contraignant au niveau du travail quotidien.

En Margeride, les troupeaux de vache sont plus diversifiés, entre les vaches Aubrac ou Limousine pour la viande, et les vaches Abondance, Prim’holstein et autre pour le lait. Nous sommes passés près d’une grande laiterie au Malzieu… qui se fournit en lait breton, alors que le lait des élevages du coin est collecté par des laiteries du Puy-en-Velay ou de Clermont, regroupé avec celui d’une zone de plusieurs dizaines de km à la ronde.

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En Ardèche, sur les hauteurs des sources de la Loire, c’est ce type de production que l’on rencontre aussi. En descendant vers l’Eyrieux, le changement est rapide, lié à celui du climat qui devient plus tempéré voir méditerranéen, et du relief, plus accidenté. De grandes zones pentues sont inexploitées et dans la vallée commencent les grands vergers annonçant ceux de la vallée du Rhône. A Saint-Pierreville, nous sommes passés à la coopérative de transformation de la laine Ardelaine, aussi musée vivant de l’artisanat de la laine, restaurant de produits locaux et atelier de transformation pour différents produits agricoles de la région.

Dans la plaine  entre le Rhône et le Vercors, nous avons été accueillis un soir sur une exploitation bio produisant en grandes quantité de l’ail, du maïs semence, des céréales et des fourrages. Dans cette zone marquée par des cultures plutôt intensives, produire en bio n’est pas toujours évident, mais créer des groupements de producteurs et des groupes techniques aide bien !

Enfin, de nouveau à des altitudes autour de 1000 m sur le Vercors, nous retrouvons les troupeaux de vaches et moutons, passant l’été sur les alpages et l’hiver dans les vallées alentour, sèches dans la Drôme (où ce sont alors plutôt des bêtes à viande), et plus humides en Isère où certains troupeaux sont donc laitiers, profitant d’une herbe plus riche.

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Finalement, ce voyage axé sur l’agriculture paysanne de montagne, nous aura  fait découvrir  une belle diversité de productions (laitier, viande, légumes, plantes médicinales, fruits, fourrages, céréales…), de contextes (souvent montagnard, parfois aussi de plaine), de façons de produire (souvent dans une démarche paysanne, parfois moins) … Nous avons pu identifier certaines spécificités de l’agriculture paysanne de montagne, telle que la forte implication dans la vie sociale du territoire, la diversification des productions pour avoir un revenu suffisant et tendre vers l’autonomie, la petite taille des exploitations…

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Et voyager à cheval pour aller à la rencontre de toutes ces belles personnes nous a fait prendre un peu de hauteur sur les choses abordées (au sens propre et au sens figuré !) et a été surtout une approche encore plus vivante de l’aventure !

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Le retour des Pyrénées à l’Aveyron

Le voyage

Ça y est, pour nous, Lune et Priska les deux juments athlètes de ce voyage et nos deux compagnes à deux pattes, Fanny et Lena, le périple « A cheval par monts et par fermes » s’est terminé le 8 août… nous voilà retournées à la sédentarité dans les montagnes dioises! Nous n’avons pas donné de nouvelles tout au long du chemin de retour, tant  le voyage était dense ! Tant à raconter que ce sera en deux articles !

La descente des hauteurs pyrénéennes (qui auront été notre point le plus éloigné) s’est faite droit vers le canal du Midi, où les foins battaient leur plein dans les grands prés verdoyants, laissant place petit à petit aux plateaux secs rappelant les Causses traversés deux mois plus tôt, puis aux vignes (pour la fameuse Blanquette de Limoux), cultures de luzerne, maïs, moutarde et tournesol…

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Toujours dret vers le Nord, nous sommes passées près de Carcassonne puis Mazamet, avec une troupe agrandie de deux marcheuses … autant dire que ça piaillait toute la journée! Aux bivouacs, au delà de notre concentration pour choisir les meilleures touffes d’herbe verte, on observait bien à travers deux brins que les filles géraient de mieux en mieux les gestes quotidiens d’allumage du réchaud, montage de la tente, réparation de matériel, équilibrage des sacoches : le métier rentrait.

Nous avons vécu aussi un des incidents marquants du voyage: la chute de Lune dans un marais… Quelle montée d’adrénaline lorsque nous l’avons toutes vu s’enfoncer jusqu’aux genoux dans la tourbe, tomber sur un flanc, voir Lena s’échapper de la selle juste à temps… Heureusement, « l’hippopotame » (et oui, Lune porte bien les caractéristiques d’un demi-trait!) a su garder son calme, immobilisée par la masse de boue et se faire aider patiemment des filles pour en sortir, sans en piétiner aucune !

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Avec une nouvelle co-équipière pour prendre le relais de Fanny sur le voyage, nous avons poursuivi à travers l’Aveyron, passant  par Lacaune, Saint –Sernin-sur-Rance, Villefranche-de-Panat et son immense lac où nous avons appris à ne pas avoir peur des vagues, Pont-de-Salars, Bozouls.  Dans cette région appelée le Lévézou, le soleil d’été tape fort et les pauses de midi s’étirent, les soirées estivales au son des grillons sont bien agréables…

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L’agriculture rencontrée

Le retour s’est fait avec bien moins d’étapes longues sur des fermes. A partir du départ de Fanny fin juin, les nouveaux co-équipiers de Lena étaient plus intéressés par la découverte de la vie nomade à cheval que par le wwoofing, et la route allait encore être longue jusqu’à l’arrivée !

Il y a quand-même eu une halte de quelques jours sur le collectif de la Remoutarié dans l’Aveyron, où l’aspect agricole se résume à un grand potager et l’entretien des prairies naturelles par des chevaux, mais où l’engagement en collectif vaut le coup de s’y attarder un peu. Une belle volonté d’alternatives anime ce groupe de personnes, créant un vivier de rencontres avec d’autres groupes, débats, spectacles. C’est un lieu ouvert à accueillir des personnes comme nous qui ont envie d’échanger sur des thèmes tels que l’organisation de la société, notre rapport à l’alimentation, à l’agriculture, etc.

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En remontant  l’Aveyron, le temps d’une soirée, nous nous sommes replongées dans l’élevage de brebis à Roquefort, dont nous avions eu un aperçu à l’aller sur les Causses. Ici, dans le Lévézou, nous rencontrons des gens passionnés, au GAEC de Montcouzac près du lac de Villefranche-de-Panat, qui ont mis beaucoup d’énergie dans la défense de la production qui d’après eux fait vivre tout le territoire : le Roquefort. La majorité des exploitations agricoles  dans la région sont des élevages de brebis livrant le lait aux laiteries Roquefort et beaucoup d’autres emplois y sont liés, avec les fromageries, la commercialisation, la logistique que cela implique et indirectement aussi tous les produits et services liés aux exploitations agricoles (conseil agricole, mécanique, fournitures agricoles, commerce rural, formations et écoles, etc.). Marcel et Francine approchent la retraite et transmettent petit à petit l’élevage de leur 600 brebis laitières (de race Lacaune) et 100 brebis à viande (de race Limousine) à leur fils. Ils n’en restent pas moins actifs : en tant qu’ambassadeurs Roquefort, ils en font la promotion  à différentes manifestations, et Marcel, via l’organisme de sélection de la race Lacaune, l’UPRA, se déplace sur les élevages pour sélectionner les brebis pouvant avoir le titre de brebis reproductrices Lacaune. Le lait de la ferme est livré à l’une des plus petites fromageries Roquefort parmi les cinq existantes, qui d’après eux, se démarque par la qualité du lait qu’elle récolte,  et par son caractère familial et indépendant. En effet, les laiteries peuvent êtres plus ou moins regardantes sur la façon dont sont nourries les brebis, sur la propreté du lait, sur le taux butyrique et protéique qui influencera la faisabilité du fromage sans utiliser de processus industriels…  Cette exploitation  parvient ainsi à dégager de la production de lait et de viande de brebis un revenu suffisant pour les trois personnes de la famille et un salarié. Nous avons eu l’impression d’une belle intégration dans leur entourage et que la ferme participe à une vie rurale dynamique !

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L’exploration de l’élevage laitier s’est poursuivie sur le GAEC du Bruel près de Bozouls (face aux monts de l’Aubrac), où Eliette, Jean-Paul et leur fils Sébastien élèvent 700 brebis laitières dont ils livrent le lait à la laiterie Société et des canards à foie gras dont ils transforment entièrement la viande à la ferme. Ils élèvent 5000 canards par an, répartis en 50 lots au cours de l’année. Tous leurs produits de charcuterie sont commercialisés en vente directe, à la ferme, sur des salons ou sous forme de repas qu’ils préparent pour différentes occasions dans tout le pays, voire plus loin. Ils sont en effet passionnés de transformation et de gastronomie
, n’hésitant pas à s’associer à des vignerons pour proposer des buffets, qui ont un grand succès. Ces manifestions hors de la ferme impliquent une bonne organisation, pour parvenir à gérer les tâches quotidiennes : traite, soins aux brebis, construction des parcs, élevage des canards… Le fait de vivre dans un lieu relativement reculé ne les empêche pas de vouloir rencontrer et attirer les gens chez eux : ils font partie du réseau Bienvenue à la ferme pour la vente de leurs produits et accueillent aussi des vacanciers en camping-car. L’accueil de deux chevaux et d’une cavalière sous tente fut une grande première pour eux !