Est Kansas – Tennessee

Si tu as raté mes incroyables aventures au Nouveau-Mexique et au Kansas, cliques ICI. Dans ce nouvel épisode, tu découvriras mon étape au sein d’une communauté de maraichers bios et mes derniers instants aux Etats-Unis.

EST KANSAS

+ Oklahoma & Arkansas

Un long chemin à parcourir (relier les deux repères rouges sur la carte)

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Carte complète ICI

Nina et Jeter, ne me laissant pas faire du stop dans ces grandes plaines à faible population, m’ont conduit auprès de Seth, avec qui j’ai traversé l’état du Kansas pour rejoindre Faye à Topeka. Enfin le paysage laissait apparaitre des arbres, une topographie plus vallonnée ainsi qu’un climat plus humide, rappelant un peu le bocage Normand. Faye et Seth étaient très accueillants, nous sommes sortis le soir à Lawrence et c’était très sympa. Le lendemain, je suis allé me promener au bord d’un lac avant de rejoindre Faye qui prenait la route pour le Texas. Nous sommes restés dormir chez sa cousine Valérie en Oklahoma où nous avons fait le concours de la plus belle pancarte de stop !

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Puis j’ai fait mes adieux pour reprendre ma route direction Memphis. J’ai alors traversé l’Arkansas en compagnie de Joel, et nous avons regardé un documentaire très intéressant dans son camion sur les impacts écologiques de l’élevage : Cowspiracy (A voir absolument !).

Durant ces derniers jours, je me suis rendu compte à quel point les étasuniens étaient piégés dans un cercle vicieux trop évident. En effet, les publicités à la télé le montraient : d’abord une sur la malbouffe des fastfoods suivis d’une autre sur des traitements contre le diabète, le cancer. Comme le faisait remarquer Jeter, la qualité de la nourriture aux Etats-Unis est basse, les gens le savent mais continuent à manger n’importe-quoi ! Une preuve que le pouvoir de changer notre système alimentaire est dans les mains du peuple plus que celles des agriculteurs ou des politiques. Heureusement, l’étape qui m’attendait allait me redonner un peu d’espoir.

TENNESSEE

Je suis arrivé à Knoxville le lundi, mais encore une fois trop tard pour rejoindre mon point d’arrivé un peu plus au Nord. Cherchant un endroit où dormir, je suis tombé sur un français qui m’a gentiment invité à rester chez lui pour la nuit. C’est là que j’ai appris l’ampleur du phénomène Pokémon Go, mais ce n’est pas le sujet ! (Jouer ou lire, il faut choisir !)

Mac est venu me récupérer le lendemain et je suis arrivé à ma dernière ferme : A Place of the Heart Farm. Sa femme Adrienne, dirige l’exploitation maraichère et a réussi à relever le défi de créer des potagers en permaculture et une communauté spirituelle et végétarienne, tournée vers la nature. La famille et les volontaires travaillent ensemble et partagent tout.

Le nord-est du Tennessee présente un climat chaud et humide, presque tropical ! La ferme est entourée de forêts et le long de la route, une plante invasive est fortement présente (le kadzou, comparable au lierre). Un ruisseau traverse l’exploitation et le paysage laisse apparaitre des collines derrière lesquelles le soleil se couche le soir. Un vrai petit coin de paradis !

Une diversité de produits et de goûts

Au sein de l’exploitation se trouve 9 jardin-potagers, plus ou moins grands. Ils produisent plus de 80 variétés différentes de fruits, légumes, herbes aromatiques et fleurs. Bien entendu la production se fait sans l’usage de pesticides et la ferme est certifiée « Naturally Grown ». Ce label basé sur le même principe que le Bio (Organic USDA) est indépendant du ministère de l’agriculture étasunien et accessible aux petits paysans n’ayant pas les moyens et le temps d’obtenir la certification « Organic ». Il est aussi basé sur la transparence.

Durant mon séjour, j’ai découvert ou redécouvert des fruits et légumes aux goûts merveilleux, voici mon top cinq en image.

 

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Egalement, des jeunes pousses (lentille, luzerne, haricot, radis) sont préparés dans des jarres ou en pots pour celles de tournesol. Par chance, les épisodes pluvieux survenus m’ont permis de trouver des champignons sauvages aux abords de la forêt ou le long du ruisseau. Nous sommes allés récolter des pleurotes, des chanterelles et des bolets avec Adrienne qui s’y connaissait bien. Et c’est cela dont je vous parlais à la fin de mon dernier article : la meilleure chose que j’ai mangé de toute ma vie !

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Un commerce qui marche et un objectif zéro déchet

Le vendredi, c’est le jour de récolte le plus important. On prend tout ce qui est prêt et suffisamment d’herbes et de fleurs pour satisfaire les clients. De nombreuses familles autour bénéficient des produits de la ferme. Adrienne et la communauté vendent au travers de trois circuits. Le premier grâce aux clients du programme CSA (Community supported agriculture – l’équivalent de nos AMAP), qui relie les consommateurs aux agriculteurs. Le consommateur soutient l’exploitation en payant ses produits à l’avance et reçoit en échange un panier de légumes fraichement récoltés chaque semaine. Ils vendent également chaque samedi au marché de producteurs de Knoxville et auprès de restaurants.

Lors de la récolte du vendredi, les légumes endommagés sont mis de côté pour être consommés au sein de la communauté. Les feuilles externes de choux et poireaux sont donnés aux animaux. Puis, à la fin du marché du samedi, une fois que tous les paniers CSA sont distribués, les restaurants fournis, et avant de remballer, le surplus qui ne pourra pas être consommé par la communauté est donné à une association qui redistribue la nourriture aux plus pauvres. Même au sein de la ferme, on fait attention ! Les légumes les plus urgents sont cuisinés d’abord, transformés en quiches, soupes ou sautés. J’ai pu cuisiner un délicieux pesto après avoir rapporté deux sacs pleins de basilic du marché ! Et les épluchures ou les légumes qui, quand bien même se perdent, sont compostés ou donnés aux animaux (aux chèvres, aux poules ou au cheval).

En plus, sur le marché, on fait du troc ! On offre quelques fruits et légumes contre de bons cafés, du pain et des viennoiseries, des desserts, des boissons, qui font le bonheur de tout le monde à la ferme !

Preparation of the market
Preparation of the chard for the market
Knoxville Market Square
A place of the Heart Farm team (not all)
Happy consumer!
At Knoxville farmer's market
Sunflower sprouts
Cherry tomatoes
beautiful winter squash
Red onion
Peaches

Silence, ça pousse !

Ils pratiquent la permaculture, c’est-à-dire qu’ils se basent sur les processus écologiques permettant de conserver au mieux les ressources naturelles. Un compost est préparé avec les mauvaises herbes, les déchets organiques, et du fumier et du foin qu’ils obtiennent de leurs voisins. Les lits de cultures sont préparés et fertilisés puis une fois les légumes semés, on ne touche plus au sol ! De la paille est placée sur certains lits afin de conserver l’humidité. Les légumes sont classés selon leur famille et leur cycle. Et puis chaque année, on tourne ! Un jardin se déplace vers un autre endroit et un légume ne revient jamais au même endroit pendant quatre ans ! En pratiquant la rotation, on limite ainsi les ravageurs. Encore des photos de légumes ?

Tomatoe garden
Butternut Squash
Corn
Sprouts
Tomatoes
Sunflower
Basil
Yellow onion
Melon
First pumpkin
Cucumbers
Purple hink pinked eyed peas
Beans
Beats

Tous les matins, on prend soin de quelque uns des lits de légumes, on désherbe manuellement (sans marcher sur le lit !), on prépare les cages autour des plants de tomates, on travaille dans les patates, on prépare des lits pour la culture suivante, etc. Le soir, on récolte ce qui pousse le plus vite : les myrtilles, les courges et courgettes, les concombres, les haricots et pois, qui sont stockés dans des frigos. La ferme produit des fruits et légumes de qualité qui font le plaisir des consommateurs et de la communauté.

La ferme suit également les lois de la biodynamie permettant d’obtenir de beaux légumes. Les jours de semis sont basés sur le calendrier lunaire qui définit des jours racine, feuille, fleur. Par exemple si on veut semer des carottes, on attendra un jour racine ; pour du chou, il faut un jour feuille. Le calendrier définit également des jours où il ne faut pas du tout toucher au sol. Quand cela est arrivé, nous en avons profiter pour nettoyer les parties communes et j’ai pu préparer des crêpes et une autre volontaire des champignons pour un délicieux brunch !

Durable sur tous les critères

Pas besoin de préciser que l’exploitation est durable. Durable du point de vue agroécologique par le respect des ressources naturelles et du sol, le peu de déchets produits et la production de leur propre compost. Durable aussi car permettant de fournir en produits frais jusqu’à 30 familles grâce au programme CSA, 5 restaurants, les clients du marché et la communauté. Durable économiquement en réussissant à dégager suffisamment de revenus pour subvenir aux besoins d’environ 10 personnes, payer les factures et assurer les fournitures nécessaires pour faire fonctionner la ferme. Jenn, Chris et Yassi, présents sur la ferme depuis 1 à 3 ans sont considérés somme stagiaire et touche un petit revenu. De plus, de décembre à février, les activités sont en pause et chacun peut se permettre de voyager ou retrouver sa famille. Cependant, l’intensité de travail est élevée, et ils pensent à arrêter le marché pour se consacrer à une vie communautaire, recevoir les consommateurs sur place et pratiquer la vente à la ferme. Ils doivent également entretenir la communauté, les lieux d’accueil des volontaires, etc.

A Place of the Heart Farm était une expérience enrichissante qui m’a redonné espoir. J’ai pu échanger avec consommateurs et agriculteurs et comprendre qu’il n’était pas difficile de produire durablement et de consommer de bons produits, il faut juste le vouloir.

I’m thankful for these moments there, for what I learned, for the good food I discovered, for the great people I met, for the nature, for the Earth. Mitakuye Oyasin.

Une touche de musique pour finir en beauté

Avant de rejoindre l’Aéroport d’Atlanta pour rentrer en France, j’ai fait une escale dans la ville musique : Nashville. Ce fut agréable d’arrêter le travail au champ pour un peu de culture. Dans le centre-ville et plus précisément sur Broadway, il y a de la musique partout et tout le temps, dans le moindre bar, restaurant, et même taco place ! J’ai passé du bon temps à écouter de la musique live et j’ai eu la chance d’assister à une comédie musicale mise en scène par mon couchsurfer qui jouait le rôle principal : Tarzan, et également joué par des enfants présents en nombre sur scène.

Mon expérience aux Etats-Unis était enrichissante et riche en rencontres. J’ai fait face à de nombreuse controverses sur l’alimentation et la société dans le pays, mais également vu des alternatives essayant de créer un environnement sain et un peu mieux qu’il ne l’est. Je vous invite à continuer à suivre Les Agro’nautes et vous pourrez bientôt en apprendre plus sur le système alimentaire aux Etats-Unis, ainsi que dans de nombreux autres pays, au travers de nos vidéos et articles que nous publierons par la suite. Merci pour votre soutien et merci d’avoir suivi mes aventures tout au long de ces 6 mois.

The End

INCREDIBLE MEETINGS <3

 

L’expérience de l’Écologie Humaine à Hepa, Vietnam

Après 7 semaines passées en Thaïlande, c’était la boule au ventre que nous quittions nos familles Thaïlandaises pour nous envoler vers de nouveaux horizons asiatiques. Le Vietnam et ses merveilles nous tendaient les bras. Face à de nouveaux imprévus qui nous ont empêché de nous rendre directement dans le centre Vietnam pour notre étude, nous avons pu prendre une semaine de vacances dans la capitale du Vietnam : Hanoi. Un concentré de vie, de culture et de délicieux petits restaurants qui s’intègrent dans la mouvance et le brouhaha constants des klaxons et de la circulation chaotique propre à ce pays.

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Alors il faut le dire, nous n’avons pas résisté à l’appel de la mer et des campagnes alentours où trouver plus de calme et avons fait un petit détour par la baie d’Ha Long et Ninh Binh (la baie d’Ha Long terrestre). Nous nous retrouvions à la fois émerveillées par ces paysages idylliques et affolées par la quantité de bateaux remplis de touristes du monde entier qui parcouraient la mer pour découvrir la fameuse baie. Un tableau riche en couleur mais victime de son succès … Bien que les espèces animales et végétales endémiques de ces îles semblent être mises sous un programme de protection, l’eau de mer et les espèces marines sont les premières atteintes par ce tourisme de masse qui chamboule tout l’écosystème. Notre regard d’agronome nous suit décidément partout !

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Après une semaine de petites vacances, nous avons enfin pu nous remettre au travail. C’est à la frontière du Laos, dans la province de Ha Tinh que se trouve HEPA (Human Ecology Practice Area), l’école d’agroécologie où nous avons passé 3 semaines. Financée par l’ONG vietnamienne SPERI, c’est une école pour fermiers qui souhaitent mettre en pratique le principe d’écologie humaine. Il s’agit simplement d’un espace où le système humain (une ethnie par exemple) interagit avec le système écologique. L’homme, principalement au travers des ainés des villages, apporte ses connaissances pour gérer le système écologique qui lui apporte de quoi manger et encore plus de savoir en retour. Aujourd’hui, 15 personnes travaillent et vivent sur place pour protéger les forêts, protéger la rivière des déchets des touristes vietnamiens, s’occuper des jardins et des fermes et … faire la cuisine.  Mr Vinh a été notre principal hôte durant ce séjour et nous a fait découvrir ce projet dont voici l’histoire

Pourquoi une telle école a t-elle été créée ?

En seulement 10 ans le Vietnam a connu un développement incroyable, parfois incontrôlé. Cela a beaucoup impacté les populations rurales qui souhaitent aujourd’hui principalement « partir à la ville pour s’enrichir, acheter des motos, des téléphones, des télévisions etc etc » comme dit Vinh. Le gouvernement de son côté promeut les monocultures et la déforestation pour produire de l’acacia pour le papier notamment et les ethnies qui représentent une très grande partie des fermiers sont enrôlées dans le système. Les traditions se perdent alors petit à petit et les fermiers sont toujours plus considérés comme des arriérés, surtout ceux réfractaires aux systèmes intensifs. Pourtant ce sont eux qui portent les savoirs ancestraux du pays et qui, au travers de leur croyance des esprits de la nature, protègent les forêts, leur faune et flore et donc en partie la richesse du pays. Tout ceci soulève évidemment la question de la transmission des connaissances, des croyances et de la conservation de ces ressources. Principalement pour ces communautés ethniques, nous parlons d’une perte de connaissances sur les plantes locales et leurs utilisations médicinales et alimentaires.En seulement 10 ans le Vietnam a connu un développement incroyable, parfois incontrôlé. Cela a beaucoup impacté les populations rurales qui souhaitent aujourd’hui principalement « partir à la ville pour s’enrichir, acheter des motos, des téléphones, des télévisions etc etc » comme dit Vinh. Le gouvernement de son côté promeut les monocultures et la déforestation pour produire de l’acacia pour le papier notamment et les ethnies qui représentent une très grande partie des fermiers sont enrôlées dans le système. Les traditions se perdent alors petit à petit et les fermiers sont toujours plus considérés comme des arriérés, surtout ceux réfractaires aux systèmes intensifs. Pourtant ce sont eux qui portent les savoirs ancestraux du pays et qui, au travers de leur croyance des esprits de la nature, protègent les forêts, leur faune et flore et donc en partie la richesse du pays. Tout ceci soulève évidemment la question de la transmission des connaissances, des croyances et de la conservation de ces ressources. Principalement pour ces communautés ethniques, nous parlons d’une perte de connaissances sur les plantes locales et leurs utilisations médicinales et alimentaires.

Face à ce constat, Madame Lanh, avec l’aide de SPERI a créé HEPA en 2002. Sachez que nous parlons ici d’un terrain de plus de 200ha qui a été prêté pour une durée de 50ans par le gouvernement provincial qui a visiblement été sensible aux objectifs du projet : conserver les cultures et traditions et préserver les forêts. Cela consistait en un projet d’« empowerment » des fermiers de la région du Mékong, particulièrement les ethnies pour les pousser à cultiver la croyance des esprits et à développer leurs connaissances en particulier au niveau agricole. La mission en elle-même reposait sur deux points :

  • Avoir des changements au niveau local tout en traitant de questions plus globales telles que le changement climatique, l’érosion, la biodiversité, le rôle de la gestion communautaire des ressources.
    Créer un environnement dans lequel les fermiers et les jeunes se sentent libres de développer des savoirs, innovations et pratiques spécifiques de leur région

    HEPA encourage donc les fermiers à développer ce qu’ils ont déjà et qui leur bénéficie le plus tout en les sensibilisant à d’autres sujets.

Fonctionnement de HEPA

Le terrain ainsi rattaché au projet était un  lieu idéal pour promouvoir l’observation de la nature et pour designer des agro-écosystèmes. Il a donc été étudié puis remodelé entre 2002 et 2007. Des designs d’ « ecofarming »  ont été mis en place, des maisons ethniques traditionnelles implantées pour accueillir les fermiers durant leurs séjours d’apprentissage, des jardins ont été créés pour nourrir tout ce petit monde, les contours des terrains ont été dessinés et le projet de conservation de la forêt a commencé avec la plantation d’arbres natifs.

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Au fil des années, les formats de formation ont bien évolués : en 2005, l’école proposait des cours sur une durée d’une à deux semaines sur le design de permaculture. Début 2007, les cours d’ « ecofarming » ont été lancés pour des périodes de 3 à 4 ans avec des promos de 12 élèves. C’était un gros programme d’apprentissage, créé par Mme Lanh dans lequel elle incluait d’autres enseignements tels que la conduite, l’économie, les langues etc etc . Mais la promo a perdu petit à petit ses élèves … Certains sont partis car ils ne souhaitaient pas forcement passer 4 ans si éloignés de tout, d’autres parce que le métier de fermier ne leur correspondaient pas, et la majorité car il n’y avait pas de diplôme reconnu à la clef et que le programme était beaucoup trop long. Certains d’entre eux sont rentrés dans leur communautés et ont continués le métier de fermiers en appliquant ce qu‘ils avaient appris à HEPA. D’autres qui préféraient un job plus « sérieux » sont partis en ville. Les connaissances s’acquéraient avec la pratique sur les terrains et l’apprentissage personnel. HEPA apprenait aux jeunes à devenir des leaders de leurs communautés mais ce n’était pas évident à accepter pour tous. Une nouvelle promotion est arrivée en 2010, et les élèves restant de la première génération étaient devenus enseignants à leur tour. En 2012 c’est une dernière promotion d’élèves du Laos qui est arrivée pour 2 ans.

Face aux problèmes liés à l’intensité et la longueur du cursus, il a été décidé fin 2014 de diminuer radicalement la durée du programme et de concentrer  les programmes sur des périodes allant de 2 semaines à 3 mois. HEPA a ainsi revu complètement son programme jugé trop long et a établi des thèmes qui étaient plus adaptés aux futurs élèves et les plus demandés. Quel que soit le cursus, l’école fournissait un support d’enseignement et des professeurs qui pouvaient être de deux types : des ainés ou chamans des villages ethniques gardiens des savoirs sur les plantes, ou des employés d’HEPA passionnés de permaculture et d’agro écologie, parfois des anciens élèves comme Vinh. Aujourd’hui l’école accueille moins d’élèves qu’avant et se concentre désormais sur un projet d’initiative sociale. Son but ? Former les fermiers à devenir des entrepreneurs qui vendent leurs produits tout en restant concernés par leur environnement. Il ne suffit pas de gagner sa vie pour réussir, il faut aussi pouvoir la pérenniser et inversement.

Assez parlé d’histoire, que trouve-t-on exactement à HEPA et qu’avons-nous fait dans ce merveilleux endroit ?

A HEPA, c’est plus d’une cinquantaine d’espèces comestibles qui sont cultivées ou qui poussent naturellement dans les jardins et la forêt : du thé, aux légumes, aux herbes aromatiques et médicinales, aux arbres à feuilles comestibles, nous avons fait le plein de saveurs durant notre séjour. Car tout ce qui est produit ici est mangé ici. Mais HEPA est aussi un lieu de conservation de la forêt : l’école gère une pépinière où sont plantées des graines d’arbres mères récoltées dans la forêt. C’est grâce à cette activité qu’HEPA peut réintégrer dans la forêt des plants vigoureux d’espèces locales à protéger. Depuis quelques mois, Vinh et Hung un autre employé ont lancé une activité de pisciculture dans l’un des bassins d’HEPA, une mission prenante puisque plus de 1000 poissons doivent être nourris matin midi et soir. Au-delà de ces activités, l’ensemble des employés d’HEPA sont depuis le début de cette année chargés de gérer les touristes de la rivière Rao Anh. De l’accueil, au barbecue de poulet, au ramassage de déchets, ils sont sur tous les fronts ce qui les empêche parfois d’avoir du temps pour entretenir leurs propres jardins. Nous avons participé peu à peu à chaque activité.

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Alors que les horaires de repas fixes (6h30, 11h30, 18h30) pouvait donner un air de travail intensif à notre séjour, nous avons tout de même eu du temps pour nous et pour nous investir dans le travail des Agro’nautes. Il faut dire qu’avec une rivière aussi sublime que celle de Rao Anh qui nous attendait tous les matins scintillant sous les premiers rayons du soleil, la vie ne pouvait pas être difficile ! Elle nous rafraîchissait midi et soir après les travaux aux champs sous le soleil de plomb. Nous mangions avec les 15 employés d’HEPA à chaque repas, partagions la vaisselle et buvions le thé cultivé sur leur espace. Nous dormions toutes les trois dans l’une des maisons sur pilotis traditionnelles des ethnies Hmong, donnant sur la rivière et entourée par la forêt.

Après avoir découverts les fermes (les maisons et leurs jardins respectifs), la rivière et la maison des esprits qui nous accueillait sur ses terres, nous avons commencé les travaux pratiques. A nous le désherbage et l’arrachage des herbes envahissantes pour y découvrir en dessous  des terrasses de cultures déjà dessinées dans la pente pour limiter l’érosion. A nous la découverte et la cueillette des plantes comestibles et médicinales de la forêt que nous dégustons midi et soir aux repas. A nous la création d’un petit potager à côté de la cuisine, qui permettra à Inta et Huong, les cuisinières, de faire moins de trajet pour récolter leur plantes. A nous le taillage de haies entourant les jardins qui commençaient à perdre leur forme. A nous le paillage des arbres et des potagers pour maintenir l’humidité, apporter de la matière organique aux plants et limiter l’érosion. A nous la construction de toits en feuilles de palme pour restaurer certaines maisons traditionnelles qui prenaient la pluie. A nous la préparation de la nourriture des poissons du bassin de Vinh à base de tronc de bananier, poudre de maïs et parfois même de fourmis rouges grillées ! A nous le ramassage des déchets laissés sur les berges de la rivière par les touristes vietnamiens peu (le mot est faible …) sensibilisés aux questions environnementales. A nous l’expérience de l’écologie humaine dans la forêt parmi les chiens, souris, serpents, sangsues, chauves-souris,  et autres animaux plus ou moins accueillants !

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Durant trois semaines, nous avons souvent eu l’impression de manquer de travail et nous avons été parfois déçues de ne pas avoir pu rencontrer de fermiers dans leurs ethnies ou en cours de formation … Mais avec le recul, nous nous sommes rendues compte que l’ensemble des employés en sont un exemple, venant eu même de communautés ethniques et conservant ce mode de vie. Nos hôtes étaient déjà très occupés avec leurs travaux respectifs notamment pour gérer les visiteurs de la rivière et ne pouvaient donc pas toujours nous confier du travail. Nous avons malgré cela vécu une expérience très enrichissante et avons beaucoup appris sur l’importance de conserver les savoirs ancestraux et les ressources naturelles des forêts qui peuvent assurer la survie des hommes.

A bientôt pour de nouvelles aventures au Cambodge !

Bem vindo em São Paulo, la jungle urbaine de béton et de forêt native.

Eh bien voila, après la Colombie direction São Paulo Métropole. Le moins que l’on puisse dire c’est que j’ai subi un léger changement d’ambiance. La région métropolitaine de São Paulo est peuplée de 20 millions d’habitants, ce qui en fait la troisième plus grande aire urbaine au monde. Le gigantisme de « Sampa » m’impressionnera toujours. Ses artères à 6 ou 7 voies sont bouchées en permanence, ses métros bondés. En somme c’est une capitale (capitale économique j’entends, la capitale administrative est Brasilia) comme on les aime, pleine de vie et de diversité, dont l’activité jamais ne s’arrête. Ici on retrouve de toutes les vagues d’immigration qui font le Brésil d’aujourd’hui. Des descendants d’allemands, d’ukrainiens, d’italiens, de japonais, d’africains, de portugais, en somme impossible de tous les citer j’en rencontre de nouveaux tous les jours. On obtient donc une ville des plus hétéroclite, à la fois fascinante et effrayante.

Le problème de São Paulo c’est son urbanisation incontrôlée. En effet étant le cœur économique du pays de 200 millions d’habitants, elle suscite une attraction indéniable pour tous les habitants des autres états à la recherche de travail. Des habitations se construisent de toutes part, de manière plus ou moins autorisées. A São Paulo comme dans toutes les grandes villes du Brésil, les inégalités de répartition des richesses sont criantes. Les populations aisées vivent dans certains quartiers, dans des immeubles ou résidences archi-sécurisées. Le reste de la populations à plus faible revenus vivent dans des quartiers plus en périphérie (Zona Sul, Zona Leste…). Pour ma part je vis à Campo Limpo dans la Zona Sul. J’accompagne le travail de la CAE (Casa de Agricultura Ecologica) de São Paulo, qui est située dans les locaux de la sous-préfecture de Parelheiros (dernier district au Sud de la municipalité de São Paulo, le point rouge sur la carte représente la sous-préfecture).

Tous les jours, je prends un métro, un train, je débarque à Grajau un des plus grands quartier populaire de São Paulo (Criolo « Esquiva Da Esgrima » un artiste très populaire à São Paulo qui revient encore régulièrement pour des concerts à Grajau son quartier natal)  et j’embarque dans un bus pour me rendre à la sous-préfecture de Parelheiros, qui est à la limite sud de l’aire urbaine de São Paulo. Par chance il se trouve que je prends les transports dans le sens contraire du flux, la plupart des gens partent des zones de peuplement au Sud pour aller travailler dans les zones d’affaire au centre et au Nord. Tous les jours je quitte donc la grisaille et l’austérité bétonnée pour me rendre au Sud, là où la forêt native a encore gardé un peu ses droits.

Mapa_subprefeitura
Carte de la Municipalité de São Paulo. Les couleurs chaudes représentent des zones urbanisées, les zones vertes représentent des zones rurales et/ou de forêt native. (source http://geosampa.prefeitura.sp.gov.br/PaginasPublicas/_SBC.aspx )

Je participe donc au travail de la CAE, j’accompagne tous les jours les agronomes Aline, Cristiano et Jair lors de leurs visites aux producteurs de la région. Lors de ces visites les agronomes prêtent une assistance technique aux producteurs. En effet la grande majorité des producteurs de la région sont des petits producteurs qui comptent sur la CAE pour une assistance technique qui leur est indispensable. Cette assistance technique peut se présenter sous la forme de prêt de matériel (tracteur…), mais aussi sous la forme de diagnostique agronomique des parcelles (analyse de la situation pour voir quelle serait la meilleur culture à réaliser sur la parcelle…). En outre la CAE a pour mission de promouvoir le passage d’un mode de culture conventionnel à un mode de culture biologique (organico). En effet cette région de São Paulo représente une zone de réserve en eau douce pour le bassin de peuplement. Le réseau hydrographique y est très important : sources, cours d’eau, lacs… Malheureusement l’agriculture conventionnelle jusqu’alors pratiquée a provoqué de nombreux cas de pollutions des eaux de surfaces et souterraines.

Dans la pratique, nous visitons chaque jour une propriété différente. Le premier jour nous avons visité la propriété de Edinho (14,6 ha), un producteur de légumes, salades, maïs… L’enjeu pour ce producteur est de le convertir à un mode de culture plus raisonné, en réduisant, voire en supprimant, l’usage des produits phytosanitaires d’origine chimique.

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Le deuxième jour nous avons visité les propriétés des deux femmes voisines l’une de l’autre. Ne produisant actuellement rien sur leur propriétés elles souhaitaient un diagnostique sur les possibilités de production. L’autre raison pour laquelle nous avons étés appelés est pour un problème d’invasion.

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En jaune les surfaces effectivement utilisées par ces 2 voisines, en rouge les surfaces envahies, qui font partie de leurs propriétés.

Les problèmes d’invasion sont monnaie courante dans la région Sud de São Paulo, en effet la région est encore considérée comme rurale et présente de nombreux espaces propices à une urbanisation sauvage. De nombreux propriétaires voient donc leurs propriétés illégalement déforestées. Généralement les « envahisseurs » sont soit des personnes souhaitant s’installer et y construire leur habitat, soit des promoteurs immobiliers illégaux qui proposent ensuite à la vente les portions de terrains qu’ils envahissent. Dans la pratique, pour ces 2 voisines cela s’est résumé à tomber par hasard à l’épicerie du coin sur une annonce de vente de lots de terrains à construire, lots étant situés légalement sur leur propriété. Ces 2 voisines avaient remarqué l’invasion bien avant mais ne peuvent pas vraiment faire grand-chose car les promoteurs illégaux peuvent se montrer très menaçant et sont bien souvent officieusement appuyés dans leurs actions par des responsables politiques locaux. Dans la pratique ces propriétaires peuvent généralement dire au revoir à ces portions de terrain envahis. J’ai été un peu surpris par cela, mais d’après les fonctionnaires de la CAE cela est très courant, et la situation se tourne très souvent en faveur des promoteurs illégaux. En voyant cela, je me demande si un jour le monstre urbain cessera de dévorer le peu de nature qu’il reste.

La fin de la semaine de la CAE a été très activement focalisée sur la Première Conférence Municipale de Développement Rural Durable (Primeira Conferencia Municipal de Desenvolvimento Rural Sustentavel). Cette conférence organisée par la préfecture de São Paulo avait pour but de réunir tous les acteurs de l’agriculture et du développement durable de la municipalité de São Paulo, afin d’en tirer une liste de propositions de directives pour proposer de nouvelles lois pour la conservation de l’environnement dans la municipalité de São Paulo, et pour la promotion d’initiatives durables dans la municipalité.

Dans l’état de São Paulo il existe déjà une loi qui favorise les agriculteurs bio : toutes les municipalités ont pour obligation de proposer 30% de produits issus de l’agriculture familiale dans les cantines scolaires (Lei 16.140). Cela offre un argument de poids aux agronomes de la CAE lorsqu’ils vont rendre visite aux agriculteurs pour les convaincre de passer au mode de production bio : malgré un prix de vente élevé, les producteurs trouveront toujours preneurs pour leurs produits bios. En effet ce qui refroidit le plus les agriculteurs en ce qui concerne le passage à l’agriculture bio est le prix élevé de leurs produits à la vente. Des marchés hebdomadaires uniquement bios existent aussi au sein de la municipalité, ce qui permet aux producteurs d’être en concurrence directe uniquement avec des produits bios, donc du même ordre de prix. La demande pour ce genre de produits différenciés est grandissante au sein de la municipalité. Ainsi de plus en plus d’agriculteurs passent au mode de production biologique, grâce aux différentes initiatives mises en place. En outre le renouvellement des générations qui donnent accès à la terre aux enfants apporte une vision nouvelle, avec une connaissance des systèmes de culture alternatifs au système conventionnel et plus consciente de l’importance du respect de la terre.

La seconde semaine les visites ont étés nombreuses. Les visites peuvent être réalisées pour réaliser des prélèvements de sols, pour mieux adapter la fertilisation verte des sols. Mais ce que j’ai retenu de ces visites, c’est surtout la volonté permanente des fonctionnaires de la CAE de promouvoir le passage à un mode de production plus raisonné voire bio.

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Prélèvement d’échantillon de sol

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Prélèvement d’échantillon de sol dans la perspective d’une fertilisation du sol

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Un exemple typique est la visite chez le « senhor João », un des plus gros producteur de plantes ornementales de la région. Le senhor João est proche de la retraite et sa fille souhaite reprendre l’exploitation, et pourquoi pas produire en bio. Aline, Cristiano et Daniel s’attache donc à les choyer pour favoriser le passage de cette grande exploitation au mode de production bio. Nous avons visité plusieurs exploitations « références» de la région produisant en bio. Les visites permettent de rencontrer les producteurs directement, et bien souvent c’est ce moment qui est décisif : le producteur bio explique qu’il n’a aucune difficultés à écouler sa production même à un prix plus élevé, il explique les alternatives pour lutter contre les ravageurs, pour obtenir de bons rendements sans utiliser d’engrais azotés…

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Le senhor João et sa fille (à droite) en visite chez un producteur produisant déjà en bio.

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Actuellement le Senhor João produit du gingembre…

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… et des plantes ornementales

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Un autre exemple bien typique de ce renouvellement de génération est le retour d’Edson à sa terre natale. J’ai rencontré Edson lors de la Première Conférence Municipale de Développement Rural Durable. Il a fait le cursus « gestão ambiental » à l’université dans l’intérieur de l’état de Sao Paulo, il a vécu en républica comme moi lors de mon échange universitaire à Piracicaba. On échange anecdotes, bonnes histoires et nos visions respectives sur la situation de l’agriculture à São Paulo. Il est fils de producteur d’ornementales dans la région de Parelheiros. Pour lui permettre de s’installer son père lui a donné un petit terrain un peu laissé à l’abandon. Il sort tout juste d’école, donc les idées de projets fusent, mais ce qu’il y a de certain c’est qu’il souhaite produire en respectant sa terre, et souhaite construire lui-même sa maison au milieu de son terrain en utilisant les principes de bio-construction. Ce genre d’initiatives montrent la volonté des nouvelles générations de produire plus respectueusement et consciemment.

En espérant que cet article vous aura plu et aura su éveiller votre curiosité sur les problèmes soulevés dans l’article.

Merci de nous suivre et de nous soutenir.

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Bienvenu(e)s dans les forêts comestibles de Mae Tha …

Après avoir quitté Nong Khai, nous nous rendons dans la communauté de Mae Tha, dans la région de Chiang Mai. Cette ville est très connue des touristes, car de nombreuses activités, comme les trekkings en montagne ou les balades à dos d’éléphant sont possibles dans la région.

La communauté de Mae Tha est de plus en plus connue en Thaïlande pour la remarquable gestion forestière ainsi que pour le développement important de l’agriculture biologique. Nous avons été (très) bien accueillies par la famille de Mathana et celle de Aun. Cela nous a permis de bien nous insérer dans la communauté, et de mieux la comprendre. Nous y sommes restées 3 semaines, participant aux tâches agricoles et partageant la vie quotidienne des habitants dans ce petit coin de paradis.

  • Un peu d’histoire (d’après un entretien avec Pat Aphaimool, leader de la communauté)

L’histoire de cette communauté ressemble à celle de bien d’autres dans cette région montagneuse. Il y a 60 ans, les habitants vivaient en lisière de foret, qui leur procurait tout ce dont ils avaient besoin pour vivre : eau, plantes comestibles et médicinales, fruits, champignons, viande, bois de construction (teck)… Les parcelles rizicoles en fond de vallée venaient compléter le régime alimentaire. Pour Pat, le père de Mathana , c’est un âge d’or, où les habitants étaient certes matériellement très pauvres, mais avaient besoin de peu. La subsistance dépendait des ressources de la forêt thaïlandaise, et surtout de la connaissance des plantes et de leurs propriétés. Pourtant dès 1901, des compagnies privées commençaient à exploiter certaines parcelles de forêt, une préface au futur de la communauté. Sur les parcelles déforestées, des cultures commerciales de tabac et cacahuètes commencent à s’installer.

Dans les années 1955, la révolution verte atteint la Thaïlande. Le gouvernement veut exploiter ses forêts primaires, afin d’exporter des matières premières d’origine forestière et agricole. Dans tout le pays, les régions se spécialisent. A Chiang Mai, des compagnies étrangères se voient remettre des titres de propriété d’importantes parcelles de forêt, notamment celles entourant Mae Tha. Elles investissent alors la forêt primaire et ses bois précieux, ne laissant que des souches sur leur passage. A Mae Tha, la forêt recule avec les ressources des habitants, qui ne peuvent d’ailleurs plus y accéder légalement.

La pauvreté s’accentue, les familles doivent à présent acheter des terres agricoles nouvellement défrichées (auxquelles elles avait donc accès gratuitement auparavant) pour pouvoir implanter des monocultures (riz, baby corn, tabac). Les fermiers sont dépendants de contrats avec de grandes entreprises, notamment de tabac : une usine de séchage est construite. La rémunération des produits agricoles permet à peine de gagner de quoi nourrir la famille et de payer l’éducation des enfants, jusqu’au collège le plus souvent. Les bénéfices issus de la vente des récoltes aux grandes firmes d’exportation ne couvrent pas l’achat des semences, fertilisants et pesticides chimiques. Les fermiers s’endettent. L’usine de tabac ferme, rendant la vie encore un peu plus dure. La production se réoriente vers la culture intensive de baby corn, dans l’espoir de dégager un revenu. Les familles s’endettent toujours plus : le prix des intrants augmente au cours du temps, et les revenus restent inchangés. En parallèle, les ressources naturelles comme l’eau et les sols sont pollués par les importantes quantités de produits chimiques répandus dans les champs. Un modèle très loin de la durabilité …

En 1986, après 13 ans d’endettement et de dur travail dans les champs de tabac et de riz, devant les problèmes de santé liés aux pesticides et la pauvreté de sa famille, Pat Aphaimool décide de changer de modèle agricole. La révolution verte n’a pas tenu ses promesses, il faut donc réinventer une nouvelle agriculture, qui permette d’abord de nourrir la famille, sans dettes, puis de vendre les surplus au marché local. Un pari fou pour l’époque, qui va révolutionner la vie des habitants de Mae Tha.

  • Mae Tha, communauté bio

La transition n’est pas facile sur les sols dégradés par des années de monoculture. Les premières années, Pat obtient de très faibles rendements, la famille n’y croit plus trop. Il persévère cependant, inspiré par le mode de vie de ses ancêtres, observant la nature. Sur une ancienne parcelle de tabac, il décide de recréer la forêt qui le nourrissait avant la révolution verte. Nous vous expliquerons comment il a procédé dans un article prochain, c’est très ingénieux ! Il plante d’abord des bananiers, puis des manguiers et ananas, semant les graines de sa future agroforêt. Au bout de deux ans, il produit assez de fruits, légumes et plantes comestibles pour les vendre au marché. Il n’a plus de dettes et achète très peu d’intrants : il peut enfin vivre et se nourrir de son travail.

Pat, dans l’agroforêtAprès plus de 30 ans, le résultat est impressionnant : une forêt riche, où cohabitent essences fruitières et bois d’œuvre, plantes comestibles, champignons, qui permet de nourrir sa famille et de vendre au marché.

Peu à peu d’autres producteurs suivent l’exemple de Pat, ils sont aidés par des ONG comme Green Net, qui leur permettent d’améliorer leurs techniques de production et la commercialisation. Ils se réunissent d’abord en groupes de producteurs, permettant de partager le travail et faire face aux difficultés techniques. Green Net appuie le regroupement des producteurs en coopérative à partir de 2000, et facilite la certification biologique des produits vendus par la coopérative. La communauté s’organise, définit ses objectifs : une production diversifiée, complémentaire entre les producteurs, permettant la quasi autosuffisance de la communauté et la vente sur les marchés locaux et bio. Au fil des ans, la production certifiée est de plus en plus importante : baby corn, légumes, fruits, plantes médicinales, produits transformés … Un véritable succès. Aujourd’hui, la coopérative compte membres, un nombre en croissance continue.

Entrée de l'agroforêt
Entrée de l’agroforêt

  • Au delà du modèle agricole, la durabilité, un mode de vie

Pour soutenir les investissements locaux, les producteurs ont créé un groupe d’épargne, dans lequel ils mettent en commun leurs profits, obtiennent des intérêts et peuvent demander un crédit à taux réduits. En Thaïlande, la culture de l’épargne est peu répandue chez les fermiers qui bien souvent n’ont pas de compte en banque ni de registre, et dépensent selon les besoins l’argent gagné. Grâce à la banque communautaire, les fermiers ont appris à mieux gérer leurs revenus et ont accès à des fonds qui leur permettent d’acheter de nouvelles parcelles, du matériel agricole, des animaux et même construire une nouvelle maison. Pour les familles qui ont choisi la transition et l’implication dans la vie communautaire, le niveau de vie s’est largement amélioré. C’est le cas pour la famille de Aun, qui a pu faire des études d’architecture à Chiang Mai. Pat, lui, a pu acheter de nouvelles parcelles, passant en 35 ans d’une surface de 0.08 ha à près de 6ha, le tout cultivé sans aucun intrant chimique, selon les principes de l’agroforesterie. L’agriculture biologique a permis au village de sortir de la pauvreté. Pourtant, sans implication de la part des jeunes du village, tout ces efforts risquent d’être perdus.

Alors qu’un des principaux problèmes de l’agriculture actuelle est le vieillissement de la population agricole, et le faible taux de reprise des exploitations familiales, certains jeunes de Mae Tha ont choisi de revenir au village, parfois après des études universitaires et un travail à Bangkok. Mathana est agronome, mais elle à fait le choix de revenir à Mae Tha et de soutenir l’agriculture locale. Elle travaille pour Green Net et est à l’origine de la création du Green Net Organic Center, un centre dédié à la formation et la recherche sur la conservation et la production de semences locales et bio. Elle organise régulièrement des formations pour les paysans des communautés alentours, les encourageant à produire et conserver leur propres semences ;bien plus adaptées au contexte local que les semences enrobées de pesticides vendues dans le commerce. Dans la ferme familiale, elle consacre 3000 m2 à la production de semences biologiques, qui sont ensuite vendues par Green Net.

Avec d’autres jeunes producteurs comme Aun et sa femme Yin, Mathana a créé Mae Tha Organic, une entreprise communautaire qui permet la vente locale des productions biologiques. En quelques années, les activités se sont multipliées : vente de produits transformés (confitures, fruits  séchés), distribution de paniers de légumes bio à Chiang Mai. L’an dernier, en partenariat avec des producteurs de café bio des zones montagneuses, un café a été ouvert, géré par le groupe. Le succès est incroyable (et les cafés très bons, testé et approuvé !)

Cette communauté nous donne beaucoup d’espoir, et nous montre que les initiatives durables sont nombreuses et peuvent être la réponse à de nombreux problèmes environnementaux, agricoles, sociaux et économiques lorsqu’elle sont appliquées à grande échelle. Les défis à relever à Mae Tha sont encore nombreux, mais on peut être très optimiste sur le futur de cette aventure formidable  grâce à l’implication des jeunes générations. Notre séjour à Mae Tha nous a beaucoup appris, sur le plan professionnel comme sur le plan humain. Ici tout se partage, l’entraide est la règle, on ne peut avancer sans les autres.

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Nous remercions les familles de Aun et Mathana pour les moments et les connaissances partagées dans leur magnifique région.

Le woodworks museum : un moyen de promouvoir l’agroforesterie en Australie

Après la Nouvelle Galles du sud, direction Queensland pour rencontrer Sean Ryan, directeur de Private Forest Services Queensland (PFSQ).
A sa création, PFSQ était financée par le gouvernement. Maintenant cette organisation s’auto finance par du consulting et des travaux contractuels.

L’agriculture biologique en Colombie #2 Bogotá

Pour ma dernière semaine en Colombie, je suis retournée à Bogotá Grâce aux parents de Félix j’ai rencontré Adela Correa, ancienne professeure d’Agronomie de l’Université de Bogotà et grâce à Adela j’ai rencontré David Camelo, membre de l’association de producteurs biologiques de Guasca, qui m’a organisé un séjour express chez quelques fermiers de l’association pour que je puisse découvrir leur façon de produire.

Un peu de géographie

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Mais avant de vous parler de mon expérience au sein de l’association, revenons un peu sur la géographie de la Colombie. Parce que je pense que je ne suis pas la seule à imaginer, à l’évocation du nom « Colombie », un pays oí¹ il fait chaud, un pays de forêt tropicale et de plages paradisiaques. Alors oui, c’est en partie vrai. Mais la Colombie possède aussi une zone de montagnes, ou encore une zone de savane. On différencie au total 6 régions géographiques différentes : la région d’Amazonie en vert foncé sur la carte, la région de Savanes que la Colombie partage avec le Venezuela en vert clair, la région Andine en marron, la région Caribéenne en jaune, la région Pacifique en bleu et puis la région insulaire en rose (les deux îles : San Andrès et Providencia).

Bogotá la capitale du pays ou encore Medellí­n sont situées dans la région Andine. Alors qu’à Medellí­n le climat est tempéré, à Bogotà le climat est froid ou « tempéré d’altitude ». Medellí­n est à 1500m d’altitude, Bogotà a 2640m. Vous l’aurez compris, l’altitude définie le climat en Colombie.  Alors quand je disais dans mon premier article que la Colombie connait presque tous les climats qui existent dans le monde, cela peut s’expliquer par le fait qu’en une heure de route, on peut passer d’un climat chaud, voir très chaud à un climat tempéré ou froid, juste parce qu’on passe de 1200m à 2000m d’altitude.

La Asociación de Granjeros Ecológicos de Guasca – AGREGUA

Guasca est une petite ville a environ 50km au nord-est de Bogotà. Elle se situe à plus de 2700m d’altitude. Donc si vous avez bien suivi, vous savez qu’il y fait froid. D’ailleurs, beaucoup d’hommes portent encore le poncho traditionnel. C’est un poncho tricoté tellement densément, qu’en plus de tenir chaud il est imperméable. Oui, parce qu’il fait froid, mais il pleut aussi. En effet, Guasca se situe tout proche de la zone de « paramo ». Le « paramo » est un écosystème de montagne intertropical que l’on trouve dans les Andes (Colombie, Venezuela, Équateur et Pérou) au-dessus de 3000m. Dans le cas de la Colombie, c’est là que se forment la plupart des rivières du pays. C’est donc une zone très humide, oí¹ il pleut beaucoup beaucoup.

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Le mercredi matin David est venu me chercher pour m’emmener connaître quelques fermes de l’association dans lesquelles je devais rester jusqu’au vendredi. Avant d’arriver à Guasca, nous faisons un petit arrêt dans une des universités de Bogota. C’est ici que David vient acheter ses plantules pour sa ferme. Comme beaucoup, il préfère acheter les plantules déjà prêtes plutôt que de semer lui-même les graines, cela lui fait gagner du temps et cela lui permet de ne pas avoir à gérer la germination.

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On fait un deuxième arrêt sur la route, pour prendre un café et manger un petit bout. Alors non, le but de cet article n’est pas de vous raconter en détail ma vie ou vous parler des cafés que j’aurai bu en Colombie (et qu’est-ce que j’en ai bu). Si je vous parle de cette pause qu’on a fait, c’est pour vous parler de l’entreprise Alpina. Dans mon premier article sur la Colombie (voir l’article ici), je parlais de la production de lait et de la grande entreprise Colanta qui le transformait. Et bien Colanta a une copine : Alpina. C’est l’autre grande entreprise de transformation de lait de Colombie. Et l’usine se trouve justement entre Bogotà et Guasca. Alors forcément, on y est passé. L’usine est énorme, et ils ont même une cafétéria et un supermarché pour vendre leurs produits (oui oui, un supermarché oí¹ l’on trouve uniquement du lait, des yaourts et tous les produits laitiers inimaginables)!! Aujourd’hui, les industries comme Alpina peuplent peu à peu les environs de Bogotá et ce, au détriment des riches terres agricoles dont la capitale est entourée.

Enfin bon, on arrive en fin de matinée à la première ferme : la ferme d’Hector. On y fait un passage rapide, juste le temps de faire le tour de la ferme et voir un peu ce qu’il produit. Hector s’est spécialisé dans la production d’oignons biologiques, mais ce n’est pas l’unique culture présente. On trouve aussi des blettes, des tomates, des épinards, des brocolis ou des haricots. Bien sí»r, la plupart des cultures sont sous serres : ici il fait froid et il pleut.

Sa ferme est très organisée, chaque rangée est numérotée et est référencée sur une application en temps et en heure : quelle culture, à quel stade, sa localisation. Ainsi il peut savoir exactement ce qu’il en est de sa production. Il a aussi mit en place un système mécanique de transport des produits du bas de la parcelle vers le haut pour éviter aux travailleurs de tout charger et de faire trop d’allers-retours.

La Finca Alisal y San Luis. Una familia que trabaja para tu hogar

La ferme Alisal et San Luis. Une famille qui travaille pour ton foyer.

Et puis j’arrive enfin chez Clementina. Je dois y rester jusqu’au vendredi. La ferme de Clementina est un modèle dans la région, et même au niveau national. Elle reçoit de nombreuses visites d’universitaires, d’agriculteurs, d’instituts techniques…

Au contraire de nombreuses familles qui quittent la campagne pour la ville à la recherche d’une meilleure qualité de vie, Clementina et sa famille sont venus s’installer à Guasca dans les années 90, après avoir vécu de nombreuses années à Bogotá avec l’objectif de produire leurs aliments comme le faisaient leurs parents et grands-parents.

Dès leur installation ils ont basé leurs cultures sur le principe d’allélopathie, c’est à dire en tenant compte de l’influence d’une plante sur une autre. L’organisation de la ferme est donc bien différente de celle d’Hector. Elle semble en apparence moins organisée, mais pourtant associer les cultures demande une grande connaissance des différentes interactions entre les plantes car elles peuvent être bénéfiques comme néfastes. Ce système nécessite donc une forte organisation de l’espace, pour pouvoir exploiter au mieux ces interactions.

Aujourd’hui, Clementina et sa famille produisent, transforment et commercialisent plus de soixante produits différents : légumes, fruits, herbes aromatiques et médicinales. En voici une liste non exhaustive : oseille, bettes de différentes variétés, courges, piments, ail, basilic, différentes variétés de pomme de terre, petits pois, herbes aromatiques, cresson, brocolis, courgettes, oignons, coriandre, haricots blancs, rouges, verts, épinards, choux-fleurs, fraises, grenades, betteraves (feuilles et tubercules), calendula, laitues et autres variétés de salades, poivrons, quinoa, radis, rhubarbe, tomates, mélisse, menthe, carottes…

En plus de tout ça, on trouve également de nombreux animaux sur la ferme : des vaches, une dizaine pour le lait, des brebis, des chèvres, des lapins, des poules, des cochons d’Inde (en Colombie l’élevage de cochons d’Inde pour sa viande est plutôt marginal, au contraire du Pérou ou de l’Equateur oí¹ il est très fréquent), des canards et des abeilles. Les excréments des animaux sont compostés pour servir ensuite de fertilisant naturel.

Tous les produits de la ferme sont vendus de façon locale et directe aux habitants de Guasca et de Bogotà : les dimanches sur le marché de Guasca, les lundis via un système de livraison à domicile pour les habitants de Bogotà (les commandes se font par téléphone ou par mail) ou encore directement à la ferme. Il existe une réelle entraide entre les différents producteurs de l’association ou de la région. Ils partagent le travail et notamment les ventes : Clementina propose à la vente des produits d’autres producteurs qui ne sont pas produits sur la ferme : fromages, fruits et légumes issus d’un climat plus chaud… et vice-versa.

Leur propriété s’étend sur 8ha, mais seulement 1,5ha est consacré à la production de fruits et légumes. Le reste, c’est à dire environ 80% de la surface, est occupé par de nombreux arbres natifs. Clementina et Luis, son mari, ont travaillé durement à la reforestation de la zone (et continuent de le faire) en re-forestant leur propriété mais aussi en incitant leurs voisins à le faire. Ils sont membres de nombreuses organisations de protection de l’environnement ou encore de défense d’une agriculture socialement et environnementalement juste (associacion de mercados campesinos, asociacion de turismo (ASOTURISMI Guasca) Junta de accion comunal de la Vereda…)

Il y aurait beaucoup plus à dire sur la ferme San Luis, et je n’y suis restée que 3jours. A partir de la simple volonté de s’alimenter de façon saine, ils ont réussi à créer une entreprise familiale qui permet à de nombreuses autres familles de s’alimenter, mais qui permet aussi d’entretenir un paysage et un écosystème malheureusement en voie de disparition (développement de Bogotà et de sa zone industrielle au détriment des terres agricoles, exode rural, agriculture conventionnelle…).


Je termine donc mon périple sur une note d’espoir. Car la famille de Clementina nous prouve que produire des aliments sains, pour sa famille et les autres familles n’est pas utopique. Qu’il est tout à fait possible d’associer efficience de production, efficience économique et respect de l’environnement. Plus largement, je retiendrai de cette aventure que chacun peut et doit cultiver. Cultiver chez soi, dans son jardin, son appartement, sur son toit, dans le jardin du voisin, dans les potagers publics… Parce que « ton alimentation c’est ta santé », parce que « tu es ce que tu manges ». Produire ses propres aliments, ce n’est pas seulement se permettre de manger une bonne tomate fraiche et juteuse c’est aussi s’émanciper et gagner en liberté.

The end